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La hausse des taux, une épée à double tranchant pour l’UE |
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ZHAO YONGSHENG* · 2022-08-19 · Source: La Chine au présent | |
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Le 21 juillet 2022, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé une hausse surprenante des taux d’intérêt de l’euro, précisément 50 points de base pour les taux de refinancement, et 50 points de base pour l’épargne et le crédit bancaire. Le taux directeur des opérations principales de refinancement est désormais de 0,5 % et celui de l’épargne et du crédit, de 0,75 %.
Cette hausse, du jamais-vu en onze ans, est justifiée d’une part par le taux d’inflation élevé dans la quasi-totalité de la zone euro et par les fluctuations des taux de change de cette monnaie au cours des périodes précédentes ; d’autre part, par les anticipations sur les marchés étrangers. La présidente de la BCE Christine Lagarde a elle aussi confirmé que la tendance de l’euro va influencer l’inflation future et un euro faible est l’une des raisons qui justifie cette hausse des taux d’intérêt.
Pour surprenante qu’elle soit, est-ce une bonne surprise ou une mauvaise surprise ? Il s’agit en fait d’une épée à double tranchant pour l’économie européenne, tout au moins pour la zone euro.
L’euro a été créé le 1er janvier 1999 par l’Union européenne (UE) dans le but d’unifier les différentes monnaies nationales des Etats membres. Le 1er janvier 2002, la monnaie unique est officiellement entrée en circulation en vertu du Traité de Maastricht, et jusqu’aujourd’hui la zone euro inclut 19 Etats membres de l’UE et quelques économies de moindre importance hors UE. La Croatie va aussi rejoindre cette union monétaire au début de l’année prochaine.
Ce petit rappel du passé sert à mieux comprendre le présent. L’euro est en quelque sorte une monnaie forte par rapport à d’autres devises ou monnaies dites internationales car il repose sur trois piliers : le deutsche mark, le franc français et la lire italienne, et que parmi ces trois devises, le mark est réputé pour être une monnaie forte, le franc, une monnaie moyennement forte, et la lire, une monnaie relativement moins forte. En effectuant une pondération avec différentes variables, on en conclut que l’euro peut encore maintenir son statut de monnaie forte aujourd’hui dans le monde. À cela s’ajoute le fait que les fondamentaux monétaires de l’euro et le développement économique des pays de la zone euro sont généralement solides. Malgré deux crises majeures (crise de la dette souveraine et crise sanitaire du Covid-19), cette union monétaire est économiquement et structurellement considérée comme une entité fiable.
La hausse des taux d’intérêt sera une bonne surprise pour les uns, mais une mauvaise pour les autres.
D’abord, sur le plan macro-économique, monétaire et financier, la première hausse des taux d’intérêt de l’euro en onze ans va à l’encontre des politiques européennes plus ou moins expansionnistes nécessitées par la crise de la dette souveraine, puis par la crise sanitaire. Et sous la pression directe ou indirecte de la Réserve fédérale des Etats-Unis, la BCE a été obligée de suivre le pas. Et avec cette nouvelle politique de la BCE, presque toutes les politiques macro-économiques, monétaires et financières de la zone euro devront changer pour s’adapter à la nouvelle donne, avec un grand chantier de transformation d’instruments politiques pour les différents échelons bureaucratiques de 19 Etats membres.
Ensuite, sur le plan micro-économique et de la gestion d’entreprises, la hausse des taux d’intérêt de l’euro va se répercuter sur la capacité de financement et de refinancement des entreprises, notamment des PME/PMI. Ces dernières avaient déjà beaucoup souffert pendant la crise financière, puis la crise sanitaire, et alors qu’elles se préparaient à la reprise post-Covid, elles subissent cette hausse des taux... Il faut rappeler que ces PME/PMI créent en général plus de 90% des emplois dans la plupart des économies.
Enfin, sur le plan géopolitique, surtout dans le contexte du conflit russo-ukrainien, cette hausse va alourdir davantage le coût de l’énergie comme le gaz naturel et le pétrole venant des régions en conflit, faisant apparaître des économies de pénurie.
Quant aux relations économiques et commerciales sino-européennes, elles subiront les répercussions des facteurs évoqués ci-dessus. Mais il y a une bonne surprise : avec la hausse des taux d’intérêt, la rigueur dominera le marché financier européen, et le financement et le refinancement seront de plus en plus difficiles pour les entrepreneurs à la recherche de capitaux afin d’assurer la bonne opération de leurs entreprises. Les capitaux chinois en excès pourront très bien venir à la rescousse de ces entrepreneurs européens en difficulté tout en menant une collaboration constructive et fructueuse pour les deux parties.
Il en résulte que le marché financier européen sera moins attrayant que le marché outre-Atlantique. De plus, la Chine est l’une des rares économies dotées d’une capacité de financement largement positive, et les flux de capitaux chinois sur le continent européen, notamment dans la zone euro, seront une option gagnant-gagnant.
* ZHAO YONGSHENG est professeur de finances à l’Académie des études sur l’économie ouverte de Chine et à l’Académie d’innovation et de gouvernance globales, et directeur du Centre de recherche sur l’économie française de l’Université d’économie et de commerce international (UIBE).
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