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L'entrepreneuriat, contre vents et marées

Liang Xiao  ·  2018-08-15  ·   Source: Beijing Information
Mots-clés: Li Gejing; la réforme et l’ouverture

« Je ne sais pas si nous, qui sommes nés en 1978, nous avons un sentiment de crise. L'environnement social a changé si rapidement au cours de ces 40 dernières années… » Ce sentiment de crise, c’est celui de Li Gejing, cofondateur et directeur général de la société Qingxi Culture, qu’il évoque en permanence dans son interview avec Beijing Information. Ce « serial entrepreneur » estime que c’est ce qui pousse les entrepreneurs à apprendre au quotidien. Malgré les échecs, il veut prendre les devants et rester en phase avec son temps.

Li Gejing (Photo : Shi Gang)

Li Gejing est né en 1978, dans une famille de militaires à Zhengzhou, dans la province du Henan. Ces parents travaillèrent dans le secteur public après avoir quitté l’armée. Né au début de la politique de l’enfant unique, Li Gejing aura aussi récolté les dividendes de la réforme et de l’ouverture et grandi dans un environnement plus libre. Passionné d’art, il entra à l’Université de l’imprimerie de Beijing.

Diplômé en 2002, il suivit les conseils de ses parents et entra comme rédacteur en charge de la conception dans une maison d’édition relevant des chemins de fer chinois. Un emploi appréciable et une voie qui semblait toute tracée.

Li Gejing s’ennuyait cependant. « Le travail était répétitif, toujours les mêmes conceptions pour les horaires de train, un salaire qui ne prenait pas en compte la charge de travail. Que l’on fasse un peu ou beaucoup, c’était la même chose », se souvient-il. Au départ, son salaire mensuel était d'environ 1 600 yuans, ce qui n’était pas une misère, mais comparé à celui de ses camarades de promotion qui travaillaient dans des sociétés étrangères et gagnaient jusqu’à 8 mille yuans, le fossé était immense.

En 2005, il eut une discussion avec une collègue âgée d’une quarantaine d’années. Le secteur de l’imprimerie connaissait alors une véritable révolution. L'essor de la technologie d'impression numérique fit table rase des méthodes traditionnelles en quelques années seulement. Beaucoup d’entreprises firent faillite du jour au lendemain. L’imprimerie au bord de la faillite, Li Gejing, alors âgé de 27 ans, écouta les inquiétudes de sa collègue : si les anciens ne pouvaient pas s’adapter, les jeunes devaient néanmoins trouver eux-mêmes des solutions. « Je ne m'attendais pas à ce que ce soit si rapide. Nous nous sommes battus pour entrer à l’imprimerie, et j’y suis rentrée par piston. L’entreprise faisait des bénéfices et payait bien. Qui aurait pu penser que quelques années plus tard, elle ne puisse plus payer ses employés », lui dit-elle.

« En fait, c’est vrai. Notre génération a connu trop de changements rapides. Si nous restons au même endroit sans apprendre ni progresser, il est très probable que nous finirons comme cette femme de notre imprimerie, rejetés de la société. » Li Gejing quitta son institution semi-publique et entra dans un groupe de média influent en tant que rédacteur dans un magazine de mode.

Li Gejing constata alors que les cols blancs des alentours voulaient des déjeuners de qualité. En raison des contraintes de temps, seuls quelques commerces proposaient des services de vente à emporter. Beaucoup se contentaient de plats de vendeurs non agréés. En 2008, avec quelques amis, Li Gejing ouvrit un restaurant « propre et hygiénique » avec un service de livraison à domicile. Les clients pouvaient commander par téléphone pour se faire livrer. Plus tard, l'entreprise permit même de passer commande dans d’autres restaurants.

Ce modèle n’a cependant pas été pérenne en raison des coûts, qu’il s’agisse de la restauration ou de la livraison. « Si on l’avait fait deux ans plus tard, tout aurait bien marché. La seule chose que j’en retire, c’est qu’il y a un moment opportun pour créer une entreprise. Il ne faut pas être trop en avance. » Pour Li Gejing, cette expérience dans la livraison de plats n’était pas de l’entrepreneuriat au vrai sens du terme. Son épouse donne l’exemple d’un cas réussi dans le secteur. « Il y a quelques années, nous avons vu un jeune livreur portant une veste bleue on lisait ‘Vous avez faim ?’ » En avril 2009, Zhang Xuhao, un jeune étudiant, créa avec des amis le restaurant en ligne ‘Vous avez faim ?’ Au début, il faisait des bénéfices principalement grâce aux frais de franchise, à un pourcentage sur le volume de vente et à des prix compétitifs. La société ‘Vous avez faim ?’ survécut à la concurrence pour en devenir un des acteurs de premier plan, devenant l'un des leaders sur le marché chinois des plats à emporter. C’est une grande « success story » qui reflète l’esprit d’entreprenariat de l’époque.

En 2011, avec la popularité croissante des smartphones et de l’internet mobile, M. Li vit une nouvelle ouverture pour l’entreprenariat. Li Gejing démissionna et s’engagea sur cette voie avec Jin Xin, fondateur du site « Vision China ». Du développement d'un système d'interaction humain-machine à reconnaissance vocale, au développement d’une application de streaming, en passant par l’application de vidéos courtes « Honey Entertainment » pour la recherche de nouvelles stars, il commença à « explorer le nouveau modèle de loisirs par téléphonie mobile ».

En septembre 2014, le Premier ministre Li Keqiang appela à « l'entrepreneuriat et à l'innovation de masse » lors du Forum de Davos d'été. Quelques mois plus tard, cet appel figura dans le rapport d’activité du gouvernement, une première. Lors de la réunion exécutive du Conseil des affaires d’Etat le 4 juin 2015, des mesures préférentielles furent adoptées pour faire advenir l’ère de l'entrepreneuriat.

En 2015 cependant, Li Gejing faisait toujours face à l’échec. « J'ai passé plus de deux ans à créer une entreprise, à chercher des incubateurs, des ‘business angels’, des capitaux de départ, pour que finalement tout s’écroule cette année. A mon avis, c’est plus un problème de personne que d’exploitation. En tant qu’entrepreneur qui a connu des échecs par le passé, je peux tirer des leçons, et je peux résoudre les problèmes de financements. J’ai publié un article qui a été très diffusé sur internet sur les expériences bénéfiques qu’un entrepreneur qui a connu l’échec peut en tirer. »

Une expérience que Li Gejing utilisa pour conseiller les entrepreneurs en herbe. Il devint « entrepreneur en résidence », une fonction nouvelle qui permet aux sociétés de capital-risque de recruter des entrepreneurs qui ont connu un échec et peuvent fournir des conseils. En contrepartie d’une rémunération, ils évaluent les projets, procèdent à des analyses de marché, donnant un souffle nouveau aux projets et découvrant de nouvelles opportunités. Lorsque les entrepreneurs résidents seront prêts à reprendre leur activité, ils recevront alors un soutien financier prioritaire.

« Je pense que cette période est un processus d'apprentissage. Je peux considérer la situation de ces projets du point de vue des investisseurs. Ce n'est pas la même chose que de regarder le problème sous l’angle de ma propre entreprise », estime Li Gejing.

En octobre 2017, le XIXe Congrès du Parti s'est tenu à Beijing, et le secrétaire général du CC du PCC Xi Jinping a déclaré que la principale contradiction de la société chinoise s'était transformée en « celle entre l’aspiration croissante de la population à une vie meilleure et le développement déséquilibré et insuffisant de la Chine ». Li Gejing, qui végétait depuis deux ans, constata également la demande croissante des consommateurs chinois. A la fin de 2017, il décida de se tourner vers le secteur du tourisme culturel, prêt à entamer un nouveau départ.

En 2015, la part du tourisme dans le PIB a dépassé 10 %, devenant l'un des nouveaux moteurs de croissance de l'économie chinoise. Bien que le tourisme traditionnel reste prédominant, de nouvelles formes se sont développées, comme le tourisme culturel et de loisir. Le nouveau projet entrepreneurial de Li Gejing s’oriente vers un modèle d’entreprise qui allie culture, technologie et tourisme.

Li Gejing a déjà signé des contrats avec trois sites et la campagne de communication bat son plein. L’activité devrait commencer prochainement. « La chose la plus embêtante, c’est le manque de sommeil. En nous endormant, on pense aux salaires, aux loyers, aux millions de yuans à débourser ce mois-ci, le mois prochain… » La pression est énorme, mais c’est aussi une force motrice. « Dans l’entreprenariat, il y a toujours quelque chose qui vous attend au tournant. Si vous ne vous adaptez pas à votre époque, au marché, vous ne faites pas long feu. J’ai toujours pensé que l’entreprenariat était ce qu’il y avait de plus stable ; peu importent l’âge et la rapidité des changements, il faut apprendre ce qu’il y a de plus récent. Si l’on peut toujours étudier et progresser, la société ne vous rejettera pas. »

 

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