Beijing Information : Durant la conférence de presse, Wang Yi a déclaré qu’il souhaitait qu’en discutant de leurs différends, la Chine et l’Europe se mettent un peu plus à la place de l’autre, fassent preuve d’un peu plus de tolérance, d’un peu plus de compréhension. En tant qu’ambassadeur de Chine en Belgique, et ancien ministre à l’ambassade de Chine en France, comment envisagez-vous ces « un peu plus » ?

Qu Xing : D’abord, le niveau de développement socioéconomique des pays européens ainsi que leur place au sein de la communauté internationale sont très différents. La Chine a encore un long chemin à parcourir dans la construction des infrastructures, sa constitution ethnique et religieuse est relativement complexe, et il existe encore des problèmes de développement intérieur déséquilibré et incomplet. Si nous empruntons le modèle européen au niveau de la gouvernance, cela entraînera des problèmes difficiles à anticiper. Ainsi, Wang Yi a déclaré qu’il fallait « se mettre un peu plus à la place de l’autre, faire preuve d’un peu plus de tolérance, d’un peu plus de compréhension ». En cas de disputes, les pays européens peuvent exprimer leur point de vue et discuter, mais ne peuvent pas imposer leurs opinions de force à la Chine.

Ensuite, sur le plan économique, il existe une grande marge de coopération entre la Chine et l’Europe. Avec son développement rapide au cours des dernières décennies, la Chine a accumulé des capitaux relativement abondants et possède un marché à la fois immense et à fort potentiel. L’Europe possède un marché limité quantitativement, mais une capacité de R&D assez forte, et donc, hormis le commerce des marchandises, le commerce sino-européen de technologies possède encore une marge d’accroissement relativement importante.

La Chine et la Belgique sont un très bon exemple. La Belgique possède une capacité de R&D assez forte en matière de technologies, et dans l’histoire, a inventé ou créé la soude caustique, le moteur à combustion interne et la fonderie. A la fin de la dynastie des Qing, la ligne ferroviaire de Lugouqiao à Hankou a été construite avec la technologie belge. La population belge est néanmoins limitée, son marché est assez limité. Si elle coopère avec la Chine, il sera possible d’incuber ses sciences et technologies, ainsi que ses produits brevetés en marchandises et de les promouvoir sur les marchés internationaux. Ce sera mutuellement bénéfique.

Dans le cadre des relations sino-européennes, les trois « un peu plus » permettent de changer des potentiels en réalité et d’éviter que les points de vue différents sur certaines questions ne viennent se répercuter sur la coopération pragmatique, car en fin de compte, la coopération permettra d’accroître le revenu et d’améliorer les conditions de vie de la population des deux parties, ceci doit être le but final du gouvernement de tout pays.

Depuis la fin de la guerre froide, le monde se dirige vers le développement multipolaire. Bien que les Etats-Unis soient actuellement la seule superpuissance, différentes forces ont émergé dans le monde, qui restreignent en quelque sorte les actions des Etats-Unis, et une restriction à un certain degré est profitable à l’équilibre et à la stabilité des relations internationales. La Chine attache donc une grande importance aux relations avec l’Union européenne, et la Chine et l’Europe ont successivement porté leurs relations au partenariat constructif, au partenariat général et puis au partenariat stratégique général.

Beijing Information : Certains disent que les relations sino-françaises guident les relations sino-européennes et d’autres disent que ce sont la Chine et l’Allemagne. Qu’en pensez-vous ?

Qu Xing : Le terme « guider » s’envisage à deux niveaux.

Primo, au sein de l’Union européenne. Dans la promotion des relations de coopération et d’amitié avec la Chine, des voix différentes se font souvent entendre, et la France et l’Allemagne, deux grands pays importants dans l’Union européenne, ont un droit de parole très important. Le développement des relations sino-européennes est nécessairement mutuellement bénéfique, il ne sera pas unilatéral. Celui qui pourra encourager le développement des relations sino-européennes pour prendre la voie du gagnant-gagnant, celui-là naturellement pourra « guider ».

Secundo, au niveau bilatéral. Sur certaines questions, il demeure encore des résistances et des difficultés pour qu’au niveau de l’Union européenne, on parvienne à un consensus. Pour ce qui est de la coopération qu’il est impossible de promouvoir au niveau de l’Union européenne, celui qui pourra réussir à le promouvoir sur le plan des relations bilatérales, celui-là pourra mener la coopération sino-européenne. Si les paroles ne sont pas suivies d’actes, il ne s’agira que de propos vains.