Depuis 2015, avec l'expansion de l'Etat islamique, les forces terroristes comme Al-Qaïda regagnent une vigueur perdue pour perpétrer des attentats. Face à cette nouvelle vague de terrorisme, la communauté internationale renforce sa cohésion mais peine à agir car chacun calcule en fonction de ses propres intérêts.   

L'Etat islamique, fer de lance du djihadisme 

A ses débuts, l'Etat islamique (EI) était confronté à des pressions sur deux fronts avec les assauts de la communauté internationale d'une part et la concurrence d'Al-Qaïda de l'autre. Depuis un an, cette organisation perpètre des massacres, renforce continuellement sa puissance et est parvenue à surpasser Al-Qaïda en devenant la principale menace pour la communauté internationale. Les caractéristiques sont les suivantes.  

1 – Accélération de l'expansion territoriale. Depuis une année, le territoire contrôlé par l'EI diminue en raison de la pression militaire croissante en Irak et en Syrie. L'organisation réajuste sa tactique et intensifie ses efforts d'infiltration et d'expansion. Jusqu'à présent, l'EI a créé des cellules et formé des alliances avec plus de 30 groupes terroristes au-delà des frontières d'Irak et de Syrie au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, en Asie du Sud, en Asie centrale et en Asie du Sud-Est. L'EI a aussi lancé des attaques sur le territoire européen et américain.  

2 – Utilisation des hautes technologies. L'EI se sert d'une part d'internet pour propager sa pensée extrémiste, recruter des membres et concevoir des attaques, et cherche à produire un effet dissuasif en ciblant des lieux vulnérables comme les supermarchés, les restaurants et les théâtres d'autre part. Le crash d'un avion russe fin octobre et les attentats de Paris et Saint-Denis en novembre montrent que l'EI a déclenché la guerre dans les airs et dans les villes.  

3 – Du sang neuf de l'étranger. Selon un rapport publié par le Congrès américain fin septembre, les djihadistes étrangers constituent une menace croissante pour la communauté internationale. Ils injectent non seulement un sang neuf à l'EI, mais cherchent aussi à mener des attaques contre l'Occident et à fanatiser une nouvelle génération d'extrémistes. Le nombre de djihadistes étrangers ne cesse d'augmenter, passant de 18 000 (venus de 90 pays) en 2014 à 25 000 (originaires de plus d'une centaine de pays) en 2015. Cette année, les terroristes en provenance d'Irak et de Syrie ont déjà commis de nombreux attentats à l'étranger. A l'avenir, la menace des djihadistes étrangers va se poursuivre. 

4 – Rapprochement possible avec Al-Qaïda. Après sa scission avec Al-Qaïda, l'EI est entré en conflit avec cette organisation pour s'emparer du leadership de la « guerre sainte ». Cette année, ces deux organisations continuent de se mener une lutte sans merci en Irak et en Syrie, tout en se livrant à une concurrence acharnée dans les autres régions. Par exemple, Al-Qaïda s'est allié avec les Talibans au Pakistan et en Afghanistan pour contrer l'EI, tout en donnant une assistance cruciale à Al-Shabbaab en Somalie, alors que l'Etat islamique soutient de son côté Boko Haram pour contrer l'influence d'Al-Qaïda. Cependant, face à l'influence croissante de l'EI dans le monde, certains à Al-Qaïda envisage de lui tendre la main en réponse aux actions anti-terroriste des Etats-Unis, de l'Occident et de la Russie. Après les frappes aériennes russes contre la Syrie, Ayman al-Zawahiri, le dirigeant d'Al-Qaïda, a publié une vidéo dans laquelle il a exprimé son souhait de travailler main dans la main avec l'EI. A l'avenir, l'EI maintiendra probablement une relation à la fois de partenariat et de concurrence avec Al-Qaïda.  

Un nouveau cycle de terrorisme 

L'Afghanistan risque de redevenir un paradis des terroristes. Face à l'opération « Coup d'épée » qui se poursuit au Pakistan, les terroristes d'Al-Qaïda et des Talibans qui s'y étaient réfugiés commencent à fuir vers l'Afghanistan où ils fondent des camps et organisent une alliance militaire avec les Talibans afghans. Après la mort du mollah Omar, l'intronisation de son successeur Akhtar Mohammad Mansour a été vivement contestée et a provoqué des divisions internes à cause du conflit militaire entre partisans et opposants. La situation sécuritaire afghane se dégrade donc rapidement. 

En Afrique, la menace du terrorisme provient de trois organisations principales, à savoir Boko Haram au Nigeria, Al-Shabbaab en Somalie et Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) en Afrique du Nord. Ayant prêté allégeance à l'EI, Boko Haram glisse dans l'horreur en faisant davantage de victimes. Malgré les frappes de l'Union africaine et du gouvernement somalien, Al-Shabbaab résiste avec acharnement et a déjà perpétré plusieurs attentats en guise de représailles. En avril, des éléments de ce groupe ont attaqué l'université de Garissa au Kenya, faisant près de 150 morts. En juillet, c'est un hôtel de Mogadiscio qui a été leur cible, des Chinois ont été parmi les victimes. Quant à AQMI, ce groupe établit des bases au Sahara et élargit son champ d'influence vers le Mali, le Niger et la Mauritanie et est à l'origine de plusieurs enlèvements d'étrangers. Le 22 novembre, AQMI a attaquél'hôtel Radisson à Bamaco, au Mali, où trois Chinois ont trouvé la mort.  

Une coopération internationale peu fructueuse 

Face aux attentats perpétrés par l'EI, la communauté internationale ne cesse de renforcer son action de lutte et a organisé plusieurs réunions. Le 11 janvier, plus de 60 dirigeants venus d'Europe, d'Afrique et du Moyen-Orient ont participé aux côtés du président français François Hollande à une manifestation contre le terrorisme. En avril, les ministres des Affaires étrangères de l'UE et de la rive Sud de la Méditerranée se sont réunis pour discuter de la coopération internationale pour lutter contre le terrorisme. Après les attentats de Paris et Saint-Denis en novembre, le Sommet du G20 a appelé à enquêter sur le financement des organisations terroristes, à renforcer la coopération en matière de contrôle des frontières et de sécurité aérienne.  

Malgré l'opinion internationale qui prône l'union sacrée, les pays font leurs propres calculs et éludent les questions essentielles dans les frappes militaires, atténuant l'efficacité de la lutte anti-terroriste. En Irak, les principales forces qui s'opposent à l'EI sont les Kurdes armés, l'armée régulière, ainsi que les miliciens chiites et sunnites modérés. Les forces gouvernementales sont affaiblies et les Kurdes armés et les miliciens sunnites qui se méfient du gouvernement central dirigé par des Chiites sont dans l'impossibilité de porter des coups efficaces à l'EI. En Syrie, le camp de l'opposition manque de cohésion du fait des contradictions internes, certains membres de l'Armée syrienne libre soutenue par les Etats-Unis se révoltent et rejoignent les forces terroristes, et la Turquie tente de neutraliser les Kurdes armés. 

Géopolitiquement parlant, la Syrie se préoccupe d'abord de la menace des pays voisins, la lutte contre l'EI n'étant qu'un objectif secondaire. Pour l'Arabie saoudite, la préoccupation première est de neutraliser l'influence de l'Iran et de renverser le régime de Bachar el-Assad, c'est pourquoi elle finance le camp de l'opposition en Syrie et restreint sa participation dans les frappes aériennes. Bien que la Turquie soit obligée de lancer des frappes aériennes, elle a pour objectif premier de renverser le président el-Assad et d'attaquer les Kurdes armés en Syrie. De nombreux documents montrent que l'EI bénéficie même d'un soutien turc.  

Pour les grandes puissances, la lutte contre l'EI est devenu un instrument de se disputer des intérêts géopolitiques et réels. Pour Washington, elle entre dans sa stratégie à long terme caractérisée par la diminution de son engagement anti-terroriste et le maintien de ses intérêts au Moyen-Orient, et sa tactique consistant à soutenir les opposants au régime du président el-Assad va se poursuivre. Tout en attaquant l'EI, les Etats-Unis souhaitent aussi que ce groupe puisse affaiblir considérablement le régime syrien. Quant à la Russie, l'envoi de troupes en Syrie vise à protéger Bachar el-Assad, à obtenir les ressources pétrolières syriennes et à maintenir sa présence militaire au Moyen-Orient. Tout en luttant contre l'EI, la Russie effectue, volontairement ou involontairement, des frappes aériennes contre les opposants au régime d'Assad.  

Pour autant, l'EI est ennemi commun de la communauté internationale. Sans partager les mêmes points de vue quant à cette menace, et en raison des divergences dans leurs intentions, les pays ont dû mal à coordonner leurs actions pour lutter contre cette organisation. La communauté internationale a donc obtenu des résultats infimes, un peu comme « la montagne accouchant d'une souris ».  

Beijing Information