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Quand la science-fiction rencontre l'IA

CUI XIAOQIN, membre de la rédaction  ·  2025-05-30  ·   Source: La Chine au présent
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L’écrivain chinois Chen Qiufan analyse le roman de science-fiction à la croisée des technologies et des sciences humaines.  

Liu Cixin, un célèbre écrivain chinois de science-fiction, a déclaré un jour que l’intelligence artificielle (IA) pouvait déjà générer des romans logiquement rigoureux, capables de remplacer la création humaine à l’avenir. Dès octobre 2023, le roman Le pays de la mémoire des machines créé par l’équipe du professeur Shen Yang de l’École de journalisme et de communication de l’Université Tsinghua à l’aide de l’IA générative a participé anonymement au Concours d’œuvres de vulgarisation scientifique et de science-fiction de la jeunesse du Jiangsu et a remporté le deuxième prix. Peut-on parler de concurrence lorsque la science-fiction rencontre l’IA ? Que doit-on attendre de la relation entre science-fiction, technologies et sciences humaines ? 

Chen Qiufan, grand écrivain chinois de science-fiction, vice-président de la Commission de la littérature de science-fiction de l’Association des écrivains de Chine et président honoraire de l’Association mondiale des écrivains chinois de science-fiction, estime dans un entretien avec La Chine au présent que la science-fiction ne peut pas remplacer le caractère unique de l’expression humaine. Les romans de ce représentant de la nouvelle génération d’écrivains de science-fiction chinois sont connus pour le réalisme et la Nouvelle Vague, profondément influencés par la pensée philosophique française. « La science-fiction peut devenir un espace de synesthésie dans le dialogue culturel entre la Chine et la France », remarque-t-il.  

La Chine au présent: L’IA est désormais largement utilisée dans la littérature, le cinéma et la télévision, et est entrée dans l’écriture de romans de science-fiction. De quel type de relation s’agit-il ? L’IA change-t-elle les modalités de création ? Est-elle un concurrent ou un assistant créatif ? 

Chen Qiufan : L’IA change en effet la manière dont la science-fiction est créée. Depuis 2017, j'explore l'utilisation de l’IA pour aider à la création dans différents scénarios, comme l’utilisation de modèles de langage pour aider à simuler les dialogues des personnages, ou générer une certaine vision du monde, ou même des images et des vidéos à partir de descriptions de scènes. Ces outils sont comme une sorte de catalyseur pour l’inspiration qui peut engendrer de nouvelles pistes en termes d’imagination. Mais cela ne signifie pas que l’IA peut remplacer les écrivains. Écrire de la science-fiction ne consiste pas seulement à faire le plein d’imagination et d’univers. Cela nécessite également l’intégration d’une sensibilité culturelle, d’une profondeur émotionnelle et d’une pensée philosophique, ce que l’IA réalise difficilement actuellement. 

L’IA remplacera-t-elle les auteurs de science-fiction ? Cela ne me préoccupe pas. Ce qui compte le plus, c’est la façon dont nous interagissons avec elle et créons une tension créative. C’est également l’intention initiale de ma proposition de « génération antagoniste » : ne pas utiliser l’IA pour écrire un livre à ma place, mais m’engager dans un jeu complexe avec elle qui me force à réfléchir à ce qu’est le caractère unique de l’expression humaine.  

Quand vous aviez 16 ans, votre premier roman L’Appât a remporté le Young Verne Award décerné par Science Fiction World. Vos romans de science-fiction sont connus pour le réalisme et la Nouvelle Vague. Comment la science-fiction et la philosophie française vous ont-elles inspiré ? 

Quand j'étais enfant, j'aimais beaucoup Jules Verne. Il a été l’un des premiers écrivains étrangers de science-fiction que j’ai découverts. Je n’ai pas étudié de manière systématique un grand nombre de romans de science-fiction français contemporains, mais la pensée française a eu une profonde influence sur moi. Par exemple, le « corps sans organes » de Deleuze et Guattari m’a permis d’appréhender sur de nouvelles bases la mobilité du corps humain à l’ère post-technologique. La théorie de la « société disciplinaire » de Michel Foucault m’a également aidé à construire la structure sociale sous contrôle algorithmique dans L’Algorithme de la vie. Les théories de philosophes comme Bernard Stiegler, Gilles Deleuze et Bruno Latour m’ont aussi permis d'avoir une compréhension plus profonde du monde dans lequel nous vivons. J’ai toujours pensé que la philosophie française était plus sensible et plus poétique que la critique de la rationalité instrumentale du monde anglophone lorsqu’il s'agit de questions d’aliénation technologique et de destin individuel. 

Vos romans décrivent l’équilibre entre technologies et pensée humaniste, comme L’Île de Silicium, qui combine imagination et profondeur. Comment voyez-vous la relation entre science-fiction, technologies et sciences humaines ? 

Le contexte créatif de L’Île de Silicium comprend Guiyu, une vraie ville de la région de Chaoshan dans la province du Guangdong, ma ville natale, et son histoire. J’ai effectué des recherches sur le terrain en romançant de manière non fictionnelle. J’ai essayé de comprendre comment le pouvoir local, l’économie, et l’environnement écologique et culturel sont construits autour du « recyclage des déchets » et de déduire des scénarios futurs possibles par le biais de mon imagination. Ces recherches m’ont fourni une base réaliste pour construire le cadre de « l’île de recyclage des déchets électroniques ». 

J’ai toujours pensé que la science-fiction n’avait pas pour responsabilité d’exagérer les technologies, mais de permettre aux gens de voir la structure sociale, les émotions humaines et les limites éthiques derrière les technologies. Pour moi, la tension entre technologies et sciences humaines est à la source de la structure du roman. 

Quel est le retour sur L’Île de Silicium parmi les lecteurs étrangers ? Pensez-vous que la science-fiction puisse devenir un vecteur privilégié de dialogue culturel entre la Chine et la France, ou plus largement, entre la Chine et l’Occident ? 

L’Île de Silicium a été traduit dans plus d’une dizaine de langues, dont l’anglais, l’allemand, le français et l’italien. La version française du roman a été publiée par la maison d'éditions Rivages. Dans l’ensemble, la réaction à l’étranger a été bonne, recevant de nombreux éloges et attirant également l’attention de certains critiques littéraires grand public. Bien sûr, je pense que c’est en grande partie grâce à la traduction française, qui a restitué avec précision l’essence du texte original. Vous savez, traduire des œuvres de science-fiction n’est pas facile. En 2023, la traduction française a remporté le prix de la meilleure traduction au Grand Prix de l’Imaginaire aux Utopiales de Nantes. 

La science-fiction peut devenir, ou a même commencé à devenir, un espace de synesthésie pour le dialogue entre les cultures chinoise et occidentale. Nous avons des parcours technologiques, une évolution sociale et des mémoires historiques uniques, qui peuvent s’exprimer à travers l’imagination pour évoquer le futur. Les lecteurs francophones ont une forte tradition de lecture sur l’humanisme et les questions sociales, et la science-fiction chinoise est également en train de passer de l’optimisme technologique à la pensée humaniste complexe, ce qui rend la communication possible et pleine de sens. 

À mesure que les sciences et technologies progressent, nous nous trouvons  confrontés à des angoisses structurelles en termes cognitifs, émotionnels, éthiques et institutionnels. Il y a dix ans, vous disiez que « la science-fiction s’attaque justement à ce type d’anxiété ». Si vous deviez décrire l’humain du futur à l’ère de l’IA en une phrase, que diriez-vous ? 

Comme Kai-Fu Lee et moi-même l’avons envisagé dans AI 2042: Dix scénarios pour le futur, la société symbiotique homme-machine du futur est pleine d’opportunités et de défis. La clé réside dans la façon dont nous apprenons à coexister avec une autre forme d’intelligence et à utiliser les autres pour renforcer notre sentiment d’agence et notre niveau de conscience.  

Si je devais résumer l’humain à l’ère de l’IA en une phrase, je dirais que l’humanité redécouvrira les failles et la poésie de l’existence dans l’image miroir des machines intelligentes.  

Les algorithmes peuvent nous prédire de plus en plus précisément, et nos émotions, nos préférences et nos décisions peuvent toutes être quantifiées. Mais c’est précisément dans ces « failles » – ces fluctuations émotionnelles, ces choix ambigus et ces métaphores culturelles que les algorithmes ne peuvent pas saisir – que nous pouvons encore redéfinir le sens de ce qui est humain. La science-fiction est une forme littéraire qui nous aide à identifier ces failles. Quelles que soient les avancées technologiques, le cœur de la science-fiction réside toujours dans l’homme. Elle reflète l’orientation des valeurs et la condition humaine de notre époque à travers la représentation du futur.  

  

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