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Sur la route d’une soie |
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CHEN SIJIA, membre de la rédaction · 2024-12-04 · Source: La Chine au présent | |
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Le « Xiangyunsha », littéralement « gaze de nuages parfumés », est un tissu de soie chinois dont l’histoire remonte à plusieurs siècles. C’est l’une des rares étoffes de soie au monde à être teinte avec des colorants végétaux purs. En raison de son processus de fabrication fortement influencé par le climat, sa production est très limitée, ce qui lui vaut le surnom d’« or doux » dans l’industrie textile.
Dans un hutong de l’arrondissement de Dongcheng à Beijing, se trouve un atelier spécialisé dans la conception de tenues en xiangyunsha. Il a été fondé par Kathrin von Rechenberg, une créatrice de mode allemande qui vit à Beijing depuis 24 ans.
Un coup de foudre
« Est-ce que c’est fait en soie ? Comment la soie peut-elle avoir des couleurs différentes à l’endroit et à l’envers, être aussi légère et fine que du papier, et aussi résistante que du cuir ? Comment peut-elle avoir un éclat métallique ? », se souvient Kathrin, émerveillée lorsqu’elle a vu le xiangyunsha pour la première fois.
C’était en 1995, lorsque la couturière étudiait à l’École de la Chambre syndicale de la couture parisienne. Elle y a rencontré par hasard une couturière chinoise qui portait une robe en xiangyunsha. « J’ai travaillé chez Chanel, Dior et autres maisons de haute couture, et j’ai connu beaucoup de tissus magnifiques de qualité. Mais un tissu de soie avec une telle vivacité ne m’était jamais encore venu entre les mains. Cela m’a beaucoup fascinée. »
« À ce moment-là, j’ai appris que c’était un tissu traditionnel chinois teint à la main avec des colorants naturels, très respectueux de l’environnement ». En 2000, Kathrin s’est envolée en Chine pour se mettre à la recherche de l’étoffe dont elle rêvait.
C’est à Beijing qu’elle a rencontré Zhang Xiangyun, son futur mari. D’après ce dernier, très peu de gens connaissaient le xiangyunsha à l’époque. Après avoir surmonté plusieurs difficultés, ils ont finalement découvert que le tissu était originaire de l’arrondissement de Shunde, à Foshan (Guangdong). « Nous avons immédiatement contacté un atelier local pour voir la soie sur place. » De retour à Beijing, Kathrin a fondé sa propre marque de vêtement « Rechenberg », spécialisée dans la conception de tenues en xiangyunsha.
Kathrin von Rechenberg lors des commémorations du 60e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France à Paris, en avril 2024
Réinterprétation de la beauté orientale
Depuis 24 ans, Kathrin travaille dur pour mettre en valeur le charme du xiangyunsha. Pour cela, elle se rend presque chaque année à Shunde pour consulter des artisans chevronnés et participer à la confection de ce tissu.
Selon elle, la fabrication est un processus à la fois laborieux et magique. Tout est entièrement réalisé à la main, nécessitant l’interaction parfaite entre la lumière du soleil, le shuliang (une sorte d’igname), et la boue de la rivière locale. D’abord, la soie est teinte avec l’extrait de shuliang, puis étalée pour sécher à une température élevée à 40 °C. Pour obtenir la couleur souhaitée, cette étape doit être répétée plus de 30 fois. Ensuite, de la boue est appliquée uniformément sur le tissu de soie. Le fer contenu dans la boue réagit avec le tanin du shuliang pour colorer une face de la soie en noir brillant.
« Le xiangyunsha est comme un cadeau de la nature. Ce qui m’importe, c’est la manière dont nous respectons le tissu, ainsi que les efforts de tous les artisans et tout ce que la nature nous offre », souligne-t-elle. Le tissu a changé le regard de Kathrin sur le monde et sur son métier. Selon elle, la fabrication de vêtements est un processus dans lequel le couturier et le tissu s’influencent mutuellement. Au lieu d’exprimer uniquement les compétences du couturier, ce processus consiste à aider le tissu à se muer.
Kathrin von Rechenberg dans son studio dans un hutong du quartier de Qianmen, à Beijing
Contrairement à l’approche occidentale traditionnelle qui utilise des techniques de couture et des designs complexes pour donner de la raideur aux costumes, la méthode orientale suit en général la forme du corps. « J’apprécie vraiment la façon dont les gens de la dynastie Song (960-1279) utilisaient des coupes simples et concevaient les tenues en fonction du tissu », explique-t-elle. Après avoir pris connaissance de la difficulté du processus de fabrication, elle a décidé de s’inspirer des Song pour minimiser le gaspillage de tissu.
Les idées de Kathrin et les fruits de son travail sont très appréciés. De nombreux artistes de renommée internationale font partie de ses clients habituels. Des chanteurs et des danseurs viennent la voir pour qu’elle leur confectionne des costumes de scène, ce qui a propulsé le xiangyunsha sur la scène internationale.
Au cours de la dernière décennie, inspirée par la méthode de teinture de xiangyunsha, elle a essayé de fabriquer des colorants naturels avec, par exemple, l’écorce de grenade. « Ces couleurs naturelles se marient bien avec le xiangyunsha et m’offrent plus de liberté dans ma création artistique. »
De plus, elle a essayé d’associer le xiangyunsha à d’autres matières, comme le coton ou encore le lin. « Le contraste et l’harmonie entre ces matières naturelles peuvent créer plus d’effets visuels, et la sensation lorsque nous les portons est plus riche. » Elle espère, dans le respect de la nature et des tissus, permettre à davantage de personnes de découvrir le charme unique de cette soie.
Un modèle porte une tenue en tissu imprimé et teint avec des écorces de grenade, une création de Kathrin von Rechenberg.
Sur la scène internationale
Au cours de ces deux décennies, Kathrin a été témoin du développement de la Chine et de son industrie textile. « Au début, la plupart de mes clients étaient des étrangers passionnés par le xiangyunsha comme moi, tandis que les Chinois s’intéressaient rarement à ce tissu traditionnel », se souvient-elle. Cependant, l’industrie chinoise de la mode a connu des changements remarquables depuis ces dernières années en raison de la confiance culturelle croissante en Chine. Les clients chinois de Kathrin sont en augmentation constante. Parmi eux, on retrouve de nombreux jeunes.
« La Chine a attiré une plus grande attention du monde entier en raison des Jeux olympiques de Beijing en 2008, année où les procédés de teinture de xiangyunsha ont été inscrits sur la liste du patrimoine culturel immatériel national. Ainsi, de plus en plus de gens ont pu connaître le xiangyunsha, et l’apprécier », se réjouit-elle. Aujourd’hui, la nature et la protection environnementale sont des critères de plus en plus importants dans le choix des tissus, et « le xiangyunsha a bien sûr des avantages à cet égard ».
« J’ai vraiment la chance de tomber amoureuse du xiangyunsha très tôt. Ce tissu m’a énormément inspirée. Mon rêve reste de faire connaître au monde entier sa beauté à travers mon travail », dit-elle avec des étoiles dans les yeux.
Au fil des ans, elle a organisé des salons sur le xiangyunsha dans son atelier. Elle a recommandé ce tissu à des créateurs de mode avec lesquels elle avait travaillé, et a organisé à ses frais des défilés de mode pour que les mannequins puissent présenter le charme du tissu à l’international.
En avril 2024, elle a été invitée à Paris pour participer aux célébrations du 60e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et la France. « J’ai apporté plusieurs tenues pour bien montrer cet artisanat textile chinois en tant que patrimoine culturel immatériel et je suis très fière d’être ambassadrice du xiangyunsha ! », s’exclame-t-elle. Et d’ajouter qu’elle était toujours passionnée par l’étude du xiangyunsha et d’autres aspects de la culture chinoise, même après une vingtaine d’années de vie en Chine. « Je continuerai à apprendre ici et à faire connaître la culture chinoise au monde. »
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