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Le déclic pour la Chine

LI NAN*  ·  2024-09-02  ·   Source: La Chine au présent
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Andrea Cavazzuti tourne des vidéos pour son dernier documentaire à Beijing en avril 2024. (PHOTO FOURNIE PAR ANDREA CAVAZZUTI)

Attiré par des raisins, des pêches et des bananes en plastique dans une vitrine du centre-ville de Shanghai, Andrea Cavazzuti est entré dans le magasin avec l’intention d’acheter des fruits. C’était en 1982, quatre ans après la mise en œuvre de la politique de réforme et d’ouverture en Chine. Cependant, M. Cavazzuti, alors un étudiant apprenant le chinois, a découvert que le magasin était en rupture de stock.

« Pourquoi exposer des fruits en plastique dans la vitrine ? », s’est interrogé M. Cavazzuti, 23 ans à l’époque. Il lui a fallu quatre décennies de vie et de travail en Chine pour trouver la réponse : ces fruits en plastique représentaient le rêve du peuple chinois pour un avenir avec des réserves suffisantes de nourriture et d’autres biens.

Grâce à la réforme et l’ouverture, ce rêve est devenu réalité. Le pays est même devenu le plus grand producteur et consommateur de fruits au monde. Selon le Bureau national des statistiques de Chine, le pays a produit plus de 327 millions de tonnes de fruits en 2023, et chaque Chinois a eu accès à 0,64 kg de fruits domestiques en moyenne par jour.

Avec un cinquième de la population mondiale et moins d’un dixième des terres arables mondiales, la Chine représente un quart de la production mondiale des céréales. « La Chine est autosuffisante pour assurer son propre approvisionnement alimentaire ; ses habitants ont non seulement assez à manger, mais aussi un plus grand choix », peut-on lire dans un livre blanc intitulé La Sécurité alimentaire en Chine, publié par le Bureau de l’Information du Conseil des Affaires d’État de Chine en octobre 2019.

M. Cavazzuti ne prête pas beaucoup d’attention à ces chiffres macroéconomiques. Il a plutôt utilisé ses appareils photo pour documenter les changements survenus en Chine au cours des quatre dernières décennies. « Je pense qu’aucun pays au monde ne s’est développé aussi rapidement en si peu de temps. »

Une fenêtre sur la Chine

Lorsque M. Cavazzuti a vu la Chine sur une carte pour la première fois à la fin de son adolescence, sa curiosité a été piquée. « C’est un pays tellement grand et je n’en connaissais rien. » Il a également été fasciné par le fait que la Chine est l’un des rares pays au monde à utiliser des idéogrammes au lieu d’un alphabet.

Il a appris par hasard que le chinois était enseigné dans une université de Venise et s’y est rendu pour se renseigner. Cependant, le programme n’était pas mis en avant et certaines personnes tentaient même de le dissuader d’apprendre la langue, affirmant qu’il ne pourrait jamais se rendre en Chine. Mais le jeune Cavazzuti était déterminé. « Plus ils me décourageaient, plus je pensais que cela valait la peine d’essayer. »

Après s’être inscrit au programme, M. Cavazzuti a eu l’occasion de suivre un stage linguistique à l’Université de Nanjing, dans l’est de la Chine, pendant six semaines au cours de l’été 1981. L’année suivante, il a obtenu une bourse pour étudier la littérature chinoise contemporaine à l’Université Fudan à Shanghai, et a décroché son diplôme en 1984.

Entre 1981 et 1984, M. Cavazzuti a visité plus de 30 villes chinoises, dont Beijing, Shanghai, Suzhou, Qingdao, Xiamen et Sanya. À travers ses objectifs, il a capturé des images d’ouvriers, d’agriculteurs, de coiffeurs, d’amoureux et d’enfants. « Au début des années 1980, je ne connaissais personne et j’enregistrais simplement ce que je voyais dans les rues : les gens et les objets. »

Selon le photographe et le conservateur de musée américain John Szarkowski (1925-2007), il existe une dichotomie fondamentale entre les photographes : ceux qui pensent que tout art est une expression de soi et que les photos servent de miroirs, et ceux qui considèrent l’art comme un moyen d’exploration et que les photos servent de fenêtres. « J’appartiens sans aucun doute à la seconde catégorie », déclare-t-il. « Chaque instant qui attirait mon attention était quelque chose d’inattendu, quelque chose auquel je n’avais jamais pensé auparavant. »

Ce qui l’a le plus frappé, c’était la tenue vestimentaire des Chinois à cette époque. « Tout le monde se ressemblait parce qu’ils étaient habillés de la même façon. Il était même difficile de distinguer un artiste d’un ingénieur ou d’un éboueur. C’était différent de l’Occident. »

En 1993, M. Cavazzuti et un autre photographe italien ont présenté leurs photos lors d’une exposition à Beijing. Dix-huit ans plus tard, il a publié son premier recueil photographique intitulé At Ease, qui regroupait certaines de ses photos en noir et blanc prises entre 1981 et 1984.

« Ce recueil témoigne d’une époque révolue, qui était en fait importante pour les Chinois », note Zhi An, écrivain chinois et ami de M. Cavazzuti. « Il s’intéressait aux moindres changements de la société chinoise, capturant les moments heureux des gens ordinaires, qui ont pu être ignorés par de nombreux photographes chinois. »

De photographe à cinéaste

Après avoir terminé ses études à l’Université Fudan en 1984, M. Cavazzuti est retourné en Italie et a servi dans l’armée pendant un an. En 1986, il a commencé à travailler pour une société italienne visant à pénétrer le marché chinois, d’abord basée à Hong Kong, puis à Beijing.

Pendant son temps libre, il a travaillé comme photographe et cameraman. Il a interviewé de nombreux écrivains chinois de renom, dont Yu Hua et Wang Xiaobo. Il a également dirigé la photographie de certains films chinois. « Mon principal centre d’intérêt a toujours été la photographie, suivie de la vidéo. » En 1999, il a décidé de quitter son emploi au sein de la société italienne pour poursuivre son rêve artistique à plein temps.

Ces dernières années, M. Cavazzuti se concentre sur des personnes faisant des choses intéressantes. Par exemple, il s’est rendu dans les provinces du Shaanxi et de l’Anhui pour enregistrer des groupes de musique traditionnelle entre 2007 et 2008. « Ce sont des traditions musicales précieuses. J’ai essayé de les enregistrer dans leur authenticité et dans leur lieu d’origine. »

Son dernier documentaire porte sur des mères chinoises ordinaires. « Elles ont toutes un fort désir de parler. Ce n’est pas quelque chose de désespéré ou triste. Mais cela vous donne une idée de l’état actuel de la société chinoise et des problèmes auxquels elle est confrontée. »

Au cours des 40 dernières années, M. Cavazzuti a été témoin de l’évolution de l’attitude des médias occidentaux à l’égard de la Chine. « Ce qu’ils font dépend beaucoup de l’atmosphère politique de l’époque. Dans les années 1990, de nombreux médias affirmaient que la Chine se développait, car ils pensaient qu’elle finirait par ressembler à l’Occident. Lorsqu’ils ont découvert qu’elle ne deviendrait pas comme l’Occident, ils ont commencé à en dire du mal. » Et d'ajouter : « C’est ce que je n’aime pas dans le journalisme. Ils disaient toutes ces belles choses il y a quelques années et maintenant tout leur contraire. C’est ridicule, mais cela influence l’opinion publique. »

Il a toutefois travaillé avec certains médias italiens et suisses. « Je l’ai fait parce que je voulais que les journalistes soient mieux informés sur ce qu’ils faisaient et je voulais leur donner des perspectives plus variées et plus intéressantes. »

 

*LI NAN est journaliste à Beijing Information.

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