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Un patrimoine vivant

JIANG XIAOBIN*  ·  2024-09-02  ·   Source: La Chine au présent
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Vue panoramique de l’Axe central de Beijing (Photo fournie par le Bureau de protection et de candidature pour le patrimoine de l'Axe central de Beijing)

L’Axe central de Beijing, s’étendant sur 7,8 km, traverse la vieille ville de Beijing du nord au sud. Liang Sicheng, architecte chinois de renom, considérait de son vivant que « l’ordre majestueux unique de Beijing est généré par cet axe central depuis son établissement ». Construit entre le XIIIe et le XVIe siècle, l’Axe central de Beijing est devenu le plus long axe urbain au monde. Estimé comme représentant l’ordre idéal de la capitale chinoise, l’Axe central de Beijing avec son ensemble architectural a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial lors de la 46e session du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO, tenue le 27 juillet 2024, à New Delhi, en Inde, portant désormais le nombre total de sites du patrimoine mondial en Chine à 59.

Témoin de la civilisation chinoise

La zone patrimoniale de l’Axe central de Beijing couvre 589 ha, avec une zone tampon de 4 542 ha. Lü Zhou, directeur du Centre du patrimoine national de l’Université Tsinghua et directeur de l’équipe d’élaboration du dossier de candidature de l’Axe central de Beijing, explique que cet ensemble est constitué de quinze éléments patrimoniaux de cinq types : les anciens palais et jardins impériaux avec le parc Jingshan, la Cité interdite et la porte Duanmen ; les anciennes structures sacrificielles impériales avec le Temple des Ancêtres impériaux, l’Autel de la Terre et du Grain, le Temple du Ciel et le Temple de l’Agriculture ; les anciennes édifications pour la gestion urbaine avec les Tours de la Cloche et du Tambour, la porte Zhengyangmen et la porte Yongdingmen ; les édifices cérémoniels et publics avec la porte Tian’anmen, le pont Waijinshui et le complexe architectural de la place Tian’anmen ; et les vestiges de voies impériales avec le pont Wanning et la porte Yongdingmen.

Le complexe architectural de la place Tian’anmen comprend la place Tian’anmen, le monument aux Héros du peuple, le mausolée de Mao Zedong, le Grand Palais du peuple et le Musée national de Chine. « Il s’agit d’une partie importante de l’Axe central de Beijing et d’un élément indispensable de cet ensemble architectural. La valeur primordiale de cet axe urbain en tant que patrimoine mondial réside dans son témoignage de la continuité de la civilisation chinoise. Le complexe architectural de la place Tian’anmen s’inscrit dans le prolongement au XXe siècle de la planification traditionnelle de la capitale, conception qui reflète l’âme de la culture chinoise. Il épouse les concepts philosophiques de “Zhong” (centralité) et de “He” (harmonie), formant un tout intégral avec le reste de l’Axe central », remarque M. Lü.

Certains pourraient s’interroger sur la « réinscription » de trois sites de l’Axe central de Beijing sur la liste du patrimoine mondial, à savoir le Temple du Ciel, la Cité interdite et le pont Wanning. M. Lü explique : « Chaque site du patrimoine mondial possède une valeur unique. La Cité interdite et le Temple du Ciel illustrent chacun à leur manière la civilisation chinoise, mais en les associant à d’autres sites de l’axe, ils permettent de raconter une histoire plus complète de la civilisation chinoise. » Et d’ajouter : « Les personnalités éminentes d’une même époque ont chacune leurs propres exploits. Mais en les réunissant, nous obtenons une vue d’ensemble de cette époque. En fait, cette pratique n’est pas inédite. Il y a plusieurs précédents dans la liste du patrimoine mondiale. »

Un défilé sur la rue piétonne de Qianmen devant la porte Zhengyangmen, le 15 septembre 2023

Des antiquités emblématiques

Duan Wenzhi, employé au Centre d’entretien et de gestion des routes urbaines de Beijing, a dirigé la restauration du pont Wanning entre 2020 et 2023. « Notre équipe s’est rendue dans beaucoup d’institutions, telle que les Archives de Beijing, et a consulté des documents de plus de 400 000 mots pour obtenir des informations historiques complètes sur le pont », explique-t-il.

Située à l’extrémité sud de la place Tian’anmen, la porte Zhengyangmen (également connue sous le nom de Qianmen) est composée de deux grands bâtiments : la Tour de la ville intérieure et la Tour des Archers. Elle fait partie des sites incontournables pour les voyageurs à Beijing. Cet été, à l’extrémité nord de la célèbre rue piétonne de Qianmen, des fouilles archéologiques sont en cours sur le site de l’ancien pont Zhengyang.

Zhang Lifang, chercheuse associée à l’Institut municipal du patrimoine culturel de Beijing, explique que Zhengyangmen, en tant que porte sud principale de la ville intérieure de Beijing sous les dynasties Ming (1368-1644) et Qing (1644-1912), est la plus haute porte de la vieille cité. Parallèlement, le pont Zhengyang est le plus grand pont du genre sur l’Axe central de Beijing. Sous la République de Chine, le pont Zhengyang a été rénové afin de s’adapter au développement des transports urbains. Cependant, dans les années 1970, il a été enterré en raison de la couverture de la douve et de la rénovation des routes.

En 2021 et 2022, l’Institut municipal du patrimoine culturel de Beijing a mené deux phases de travaux archéologiques sur le site du pont Zhengyang. Parmi les objets anciens déterrés, il y a une sculpture d’une créature qui calme les eaux et qui ressemble à un tigre. D’une longueur de 3 m, cette sculpture imposante reflète indirectement l’envergure du pont Zhengyang.

La redécouverte du pont Zhengyang par l’archéologie a eu lieu lors de la phase finale de la demande d’inscription de l’Axe central de Beijing sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. La route de la section sud de l’axe central était un passage obligé pour les activités cérémonielles d’État sous les Ming et les Qing. Les ruines découvertes témoignent de manière tangible de la continuité de la culture cérémonielle nationale jusqu’à nos jours.

En plus des constructions emblématiques, l’Axe central de Beijing abrite également de nombreuses « reliques vivantes ». Qu Hong, employé du Bureau municipal des forêts et parcs de Beijing, explique : « On compte plus de 8 700 vieux arbres dans les limites de l’axe central, dont environ 6 600 sont concentrés dans une zone de moins de 6 km2 qui comprend six sites patrimoniaux, à savoir la Cité interdite, le parc Jingshan, le Temple des Ancêtres impériaux, l’Autel de la Terre et du Grain, le Temple du Ciel et le Temple de l’Agriculture. »

Sur le tronc de beaucoup d’arbres, on peut voir un panneau rouge ou vert avec un code QR. « Le panneau rouge signifie que l’arbre a plus de 300 ans, tandis que le panneau vert indique qu’il a entre 100 et 300 ans », explique M. Qu, qui connaît ces arbres sur le bout des doigts. Dans la Cité interdite, il y a plusieurs cyprès aux formes extraordinaires ; le Temple de la Terre et du Grain abrite sept arbres millénaires, et le Temple du Ciel compte plus de 3 000 vieux cyprès. Au Temple des Ancêtres impériaux, on trouve un cyprès planté, selon la légende, par l’empereur Zhu Di (1360-1424), le troisième empereur de la dynastie Ming.

Une touriste de Taiwan devant le Temple du Ciel, le 3 juillet 2024

Relier le passé et le futur

La fondation en 1925 du Musée du Palais marque un tournant dans la vulgarisation des connaissances sur l’Axe central de Beijing. Depuis lors, les anciens bâtiments impériaux et les constructions sacrificielles sur l’axe central ont progressivement été transformés en musées ou parcs ouverts au public.

Les histoires autour de l’Axe central de Beijing sont empreintes d’émotions. Fan Laiyou, un Pékinois né près de la Tour du Tambour, a profondément ressenti les améliorations apportées au fil des ans : « Le gouvernement a entrepris un aménagement systématique des rues et des quartiers, incluant la reconstruction de vieilles maisons, la réfection des routes, la pose des briques perméables, la rénovation des canalisations souterraines et l’installation de lampes solaires respectueuses de l’environnement. Aujourd’hui, nous bénéficions de plus d’espaces publics et d’un environnement agréable. »

Créée sous le règne de l’empereur Daoguang (1821-1851), Qianxiangyi est une marque ancienne de soieries. À la fin de la dynastie Qing, elle disposait de cinq magasins, tous situés sur l’Axe central de Beijing. Le magasin de soie de Qianxiangyi d’aujourd’hui, fondé en 1890, se trouve à l’entrée nord de la rue Qianmen, dans la zone tampon de l’axe central. « Nous avons bénéficié de la demande d’inscription de l’Axe central de Beijing sur la liste du patrimoine mondial. Après un an et demi de rénovation, le bâtiment de Qianxiangyi a retrouvé son éclat », déclare Liu Qi, gestionnaire du magasin.

« Les marques anciennes ont toujours accompagné l’évolution et le développement de l’Axe central de Beijing. Aujourd’hui, la structure de la vieille cité est mieux protégée, et les hutong retrouvent la saveur authentique de la capitale, ce qui nous offre davantage d’opportunités de développement », remarque M. Liu. Dans le magasin, une zone spéciale a été aménagée pour accueillir un petit musée, permettant aux visiteurs de découvrir les secrets de la soie. Parmi les objets exposés, on compte un dessin manuel sur les paysages le long de l’Axe central de Beijing, réalisé en soie naturelle.

Depuis plus de deux ans, une équipe de jeunes bénévoles, le Groupe de cadets Zongheng, est toujours active sur l’Axe central de Beijing. Fondé par Yang Ziruo alors qu’elle était encore écolière, ce groupe de jeunes volontaires offre souvent des visites guidées gratuites les week-ends et jours fériés, afin de faire découvrir aux visiteurs l’histoire et la culture de l’axe central.

Le patrimoine culturel vient du passé, mais regarde vers l’avenir. Cette année, Yang Ziruo est au collège, et l’Axe central de Beijing, fort de ses plus de 700 ans, a été inscrit à la liste du patrimoine mondial.

« Cette réussite n’est pas une fin, mais un point de départ. Elle représente l’engagement solennel de la Chine envers le monde à respecter les exigences de la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, et à mieux protéger et aménager cet axe ainsi que la ville où il est enraciné », indique Deng Chao, directeur du département de patrimoine culturel mondial relevant de l’Administration nationale du patrimoine culturel. 

*JIANG XIAOBIN est journaliste à China Youth Daily

 

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