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Au-delà des bambous

RAPHAËL PERRI*  ·  2024-06-06  ·   Source: La Chine au présent
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Rodolphe Delord, directeur du ZooParc de Beauval, présente une photo du panda géant Yuanmeng à sa naissance avec sa mère Huanhuan lors du Forum de haut niveau Chine-France sur les échanges entre les peuples à Paris, le 30 avril 2024. 

Depuis mon enfance en France, j’ai toujours été fasciné par les pandas géants, ces créatures majestueuses et emblématiques qui semblent défier la réalité avec leur allure douce et leur nature paisible. Mon intérêt pour ces animaux a non seulement persisté mais s’est intensifié au fil des années, culminant lors de mon voyage à Baoxing, le lieu de découverte du panda géant. Ce périple n’était pas seulement une aventure personnelle mais aussi un pont entre mes racines françaises et mon expérience en Chine, où je poursuis mes études en informatique à l’Université Tsinghua. Baoxing représente un chapitre unique dans l’histoire naturelle partagée entre la France et la Chine, une histoire que j’ai eu le privilège de vivre de près.

Expériences personnelles avec le panda géant

Ma première rencontre avec un panda géant, qui a eu lieu au ZooParc de Beauval, est un souvenir indélébile. Dès que j’ai aperçu Yuan Meng, le premier bébé panda né en France, une connexion instantanée s’est établie. L’émotion était palpable en voyant cet animal rare et vulnérable, jouant avec insouciance sous le regard des visiteurs. Le ZooParc de Beauval ne m’a pas seulement offert la chance de voir un panda géant de près ; il a suscité en moi le désir de comprendre et de participer à la conservation de ces êtres extraordinaires.

Mon séjour en Chine pour mes études m’a donné l’opportunité inestimable de visiter le Centre de recherche de Chengdu sur l’élevage des pandas géants. À la différence de mon expérience à Beauval, Chengdu m’a permis d’observer les pandas dans un environnement qui mimait leur habitat naturel. J’ai été frappé par la complexité des efforts déployés pour recréer des conditions favorables à la vie sauvage tout en les protégeant des menaces extérieures. À Chengdu, j’ai aussi pris conscience de l’importance de la recherche scientifique dans la lutte contre l’extinction, en voyant comment chaque aspect de la vie des pandas était surveillé et analysé pour assurer leur survie et leur reproduction.

Ma visite la plus récente à Baoxing a été la plus marquante. En arrivant dans cette région, j’étais loin d’imaginer que je marchais sur les traces d’Armand David, le naturaliste français qui avait découvert le panda géant au même endroit, plus de 150 ans auparavant. Voir des pandas à Baoxing a ajouté une dimension historique à mon expérience, enrichie par la prise de conscience que je me trouvais sur le site même où l’un de mes compatriotes avait pour la première fois documenté cet animal mystérieux pour le monde occidental. Cette visite a non seulement renforcé mon admiration pour les pandas, mais a également éveillé un profond respect pour le passé scientifique et les liens culturels entre ma patrie et ma terre d’accueil.

Impressions sur Baoxing

Avant de visiter Baoxing, je n’avais qu’une vague idée de l’importance de ce lieu dans l’histoire du panda géant. Mes connaissances étaient principalement axées sur les efforts contemporains de conservation et des zoos où j’avais précédemment observé ces animaux. Cependant, Baoxing a dévoilé une dimension supplémentaire, beaucoup plus riche et historiquement significative. En découvrant que c’était là que le premier panda géant avait été documenté par un Français, j’ai ressenti une connexion immédiate et profonde avec ce lieu.

Lors de ma visite, j’ai appris que l’histoire du panda à Baoxing ne se limitait pas à une simple anecdote de découverte. C’était le théâtre d’un tournant majeur dans la compréhension occidentale de la biodiversité chinoise. La découverte d’Armand David en 1869 a marqué le début d’une fascination mondiale pour le panda géant, un animal qui allait devenir un symbole de la conservation de la faune et un pont entre les cultures et les nations.

Né en 1826 à Espelette, en France, Armand David était un missionnaire lazariste passionné de zoologie et de botanique. À Baoxing, il a fait plus que simplement découvrir le panda géant ; il a identifié et catalogué des centaines d’autres espèces, dont beaucoup étaient alors inconnues du monde occidental. Parmi ces découvertes figurent le cerf huppé, le singe doré à nez retroussé (rhinopithèque de Roxellane), et l’arbre aux mouchoirs — chacune ajoutant une nouvelle page au grand livre de la biodiversité mondiale.

L’impact de ses découvertes a été monumental. Elles ont non seulement enrichi les collections du Muséum d’Histoire naturelle de Paris, mais ont également éveillé une prise de conscience mondiale sur l’importance de la conservation des espèces et des habitats. Le travail du Père David a posé les fondements de ce qui deviendrait, des décennies plus tard, un mouvement mondial de conservation de la nature.

La reconnaissance de l’importance de Baoxing et de l’œuvre d’Armand David m’a permis de percevoir ce coin du Sichuan non seulement comme un sanctuaire pour l’un des animaux les plus aimés au monde, mais aussi comme un site d’une importance historique capitale pour la science naturelle mondiale. Cela a profondément enrichi ma compréhension de l’endroit, transformant une simple visite en une expérience éducative et émotionnelle remarquable.

Liens franco-chinois autour du panda géant

Le concept de « diplomatie du panda » a pris son envol lorsque le panda géant est devenu un symbole mondial de paix et de la coopération environnementale. Cette pratique, qui consiste pour la Chine à prêter (ou à offrir avant 1982) des pandas à d’autres nations en signe de bonne volonté et de collaboration internationale, a vu la France en bénéficier, renforçant ainsi significativement les liens entre les deux pays.

La première manifestation de cette diplomatie avec la France a eu lieu en septembre 1973. Lors de la visite en Chine du président français Georges Pompidou, le Premier ministre chinois Zhou Enlai a offert deux pandas, Li Li et Yan Yan, à la France. Leur arrivée a été un événement médiatique et a suscité un vif intérêt pour la conservation du panda géant en France. Plus récemment, la naissance de Yuan Meng en 2017 au ZooParc de Beauval, issu des pandas Huan Huan et Yuan Zi prêtés par la Chine, a été perçue non seulement comme une réussite en matière de conservation, mais aussi comme un symbole de l’amitié franco-chinoise persistante.

La coopération entre la France et la Chine ne se limite pas aux gestes diplomatiques, elle s’étend également à la recherche scientifique et à la conservation du panda géant. Le ZooParc de Beauval et le Centre de recherche de Chengdu sur l’élevage des pandas géants collaborent depuis 2005, un partenariat qui a permis des avancées significatives dans l’élevage et la protection des pandas en captivité. Cette collaboration a donné lieu à des échanges de connaissances, de ressources et de personnel, enrichissant les compétences des chercheurs et soigneurs des deux pays.

L’impact de cette coopération se mesure aussi par le succès des programmes de reproduction et la gestion des habitats naturels des pandas. Les efforts conjugués ont permis non seulement d’augmenter le nombre de pandas en captivité, mais aussi de renforcer les programmes de réintroduction des pandas dans leur habitat naturel, une démarche essentielle pour la survie de l’espèce.

En outre, cette relation fructueuse a également inspiré d’autres initiatives bilatérales en matière de conservation et a servi de modèle pour les relations sino-étrangères dans d’autres domaines de la conservation environnementale. L’histoire et l’évolution de ces liens franco-chinois autour du panda géant ne sont pas simplement des anecdotes de coopération internationale ; elles sont devenues des éléments centraux dans le récit plus large de la diplomatie et de la conservation mondiale.

Le renforcement de l’amitié franco-chinoise

Les pandas géants, avec leur charme indéniable et leur rareté, ont transcendé leur statut d’icônes de la conservation pour devenir de véritables ambassadeurs interculturels. Leur rôle dans le renforcement des liens franco-chinois ne se mesure pas seulement en termes diplomatiques ou écologiques, mais touche également les cœurs des peuples des deux nations.

L’engagement conjoint de la France et de la Chine dans la conservation du panda géant a ouvert des voies de communication et de compréhension mutuelle, transformant chaque initiative de conservation en un acte de diplomatie douce. Les pandas, comme Yuan Meng et ses parents à Beauval, sont souvent au centre des événements médiatiques qui attirent l’attention non seulement sur leur adorable présence mais aussi sur l’importance de l’amitié et de la coopération internationale. Ces événements servent à rappeler aux citoyens et aux gouvernements l’importance de travailler ensemble pour des causes communes, au-delà des frontières et des différences culturelles.

En outre, les collaborations futures entre la France et la Chine pourraient s’étendre au-delà de la simple gestion des pandas en captivité pour inclure des projets de conservation à plus grande échelle et des échanges culturels plus profonds. Par exemple, des programmes éducatifs conjoints et des initiatives de recherche pourraient impliquer des scientifiques, des étudiants et des conservateurs des deux pays, renforçant ainsi les liens à travers les générations.

Au cours de mes voyages de Beauval à Chengdu et finalement à Baoxing, j’ai non seulement été témoin de la majesté du panda géant mais aussi de son pouvoir symbolique dans le rapprochement des peuples. Le panda géant, au-delà de sa protection, incarne les efforts de la France et de la Chine pour construire un pont durable entre les deux cultures. Chaque interaction avec ces créatures exceptionnelles a renforcé ma conviction que la conservation peut et doit aussi servir de fondement à la compréhension et à l’amitié entre les peuples.

En conclusion, l’expérience du panda géant m’a enseigné que la conservation de la biodiversité est intrinsèquement liée à la diplomatie et aux relations internationales. Ces animaux ne sont pas seulement des survivants de leur espèce, ils sont les porteurs d’un message d’unité et de coopération qui résonne bien au-delà des montagnes du Sichuan ou des forêts de Beauval. Ils nous rappellent que dans un monde de plus en plus divisé, la nature elle-même peut être un terrain d’entente pour la paix et l’amitié.

 

*RAPHAËL PERRI est étudiant en informatique à l’Université Tsinghua. 

 

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