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Carnet de voyage : séjour au Yunnan |
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Vincent Mbonihankuye · 2020-10-30 · Source: Chinafrique | |
Mots-clés: Yunnan; pauvreté |
Visite d’une province exemplaire en matière de réduction de la pauvreté.
Un ensemble d’ornements en argent pouvant se vendre entre 10 000 et 20 000 yuans.
Deuxième puissance économique mondiale, la Chine ne ménage pas ses efforts en matière d’éradication de la pauvreté. Au Yunnan (sud-ouest), où j’ai eu la chance de me rendre en septembre avec des compatriotes africains sur l’invitation du magazine CHINAFRIQUE, j’ai pu constater à quel degré cette province, plus précisément les districts de Malipo et Jinping, peut être un exemple à suivre en matière de lutte contre la pauvreté pour d’autres pays. Fin 2019, tous les villages du district de Malipo ont pu sortir de la pauvreté, grâce au soutien financier du ministère des Affaires étrangères qui a investi 212 millions de yuans (31,5 millions de dollars) dans plus de 670 projets. Pour le district de Jinping, le ministère a pu rassembler la somme de 240 millions de yuans (35,6 millions de dollars). Ce fonds d’aide a permis de mettre en œuvre 903 projets couvrant sept catégories, y compris l’alimentation et l’habillement, l’éducation, la santé, l’amélioration globale du village, l’industrie et la formation. Ces projets, devenus essentiels à Jinping, ont bénéficié à 371 700 personnes au total et ont permis à 93 000 personnes de sortir de la pauvreté.
Des découvertes surprenantes
Vincent Mbonihankuye découvre la culture du groupe ethnique dai dans le district de Jinping, au Yunnan.
Tout en respectant les mesures sanitaires en vigueur liées à l’épidémie de COVID-19, nous avons effectué le trajet vers le Yunnan depuis Beijing en avion (4 heures de vol environ). À l’arrivée, je me suis retrouvé dans de magnifiques montagnes ressemblant à celles de mon pays, le Burundi. L’objectif de ce reportage sur le terrain était d’observer comment les minorités défavorisées ont réussi à réduire la pauvreté en général. En me rendant sur différents sites des districts de Malipo et de Jinping, j’ai découvert que diverses actions jouent un rôle primordial dans les initiatives d’éradication durable de la pauvreté. Je peux citer par exemple la création de centres de ressources d’apprentissage et l’engagement communautaire dans des coopératives de production. Celles-ci utilisent les ressources disponibles localement pour générer des revenus. Grâce aux subventions du gouvernement dédiées aux projets durables visant à réduire la pauvreté, les cultures de rente, l’agriculture de subsistance et les activités culturelles sont également des sources de revenus importantes.
Lors de la première journée du voyage, nous nous sommes rendus dans le village de Xiaopingzhai (canton de Mengdong, district de Malipo). Quelle surprise de découvrir qu’une petite usine de thé peut y générer un chiffre d’affaires de 6 millions de yuans (889 800 dollars) par an alors que son effectif ne compte que 20 employés ! Selon la responsable de cette usine, Xu Yuyan, plusieurs types de thé appréciés des Chinois y sont produits. Cette coopérative emploie la population locale, ce qui contribue à lutter contre la pauvreté.
Autre point important favorisant le développement du pays : la diaspora. J’ai en effet réalisé que le combat contre la pauvreté est soutenu par la communauté chinoise vivant hors du pays en visitant une école secondaire se trouvant dans le district de Malipo. Sa construction a été financée par la communauté chinoise vivant en Afrique du Sud. Selon les informations fournies par le principal de cette école, Gao Renbin, depuis 2018, cette communauté chinoise d’Afrique du Sud soutient les 140 élèves de cette école en leur donnant accès à une bourse d’études de 1 000 à 1 500 yuans (149 à 223 dollars) par an. Ces derniers viennent de familles pauvres et sont choisis parmi les élèves les plus brillants. Autre exemple remarquable, celui d’un hôpital du district de Jinping, qui se situe à la frontière sino-vietnamienne. Un de ses grands bâtiments a été construit grâce au soutien financier de la diaspora chinoise vivant aux États-Unis.
Étape suivante du voyage : le village de Kangmian. Plusieurs familles, issues de zones à risque du district de Jinping, y vivent désormais. Elles ont été déplacées dans ce village nouvellement construit, composé de 450 unités d’habitation. Sur place, j’ai pu voir que les personnes relogées n’ayant pas suffisamment de revenus pour subvenir à leurs besoins sont prises en charge par l’administration du village, les soutenant dans leur recherche d’emploi. Lorsque les personnes relocalisées sont arrivées dans ce village fin 2019, 1 331 personnes au total étaient au chômage. Parmi elles, 690 personnes ont pu retrouver du travail dans différentes régions de Chine. De tels projets permettent de réduire efficacement la pauvreté tout en favorisant le développement local.
L’argent, un métal à valeur ajoutée
Les projets visant à réduire la pauvreté dans le district de Jinping se déroulent vraiment de manière extraordinaire. À Shuiduichong, village traditionnel yao très reculé, nous sommes allés visiter des ateliers de fabrication d’ornements et de bijoux en argent. Nous avons découvert un savoir-faire datant de plus de 200 ans. Sans parler de l’usage traditionnel des parures en argent dans la culture yao, il est important de mentionner que ces objets ont une réelle valeur monétaire élevée, détail non négligeable au niveau économique.
Lors de leur demande en mariage, les jeunes hommes yao doivent prévoir un ensemble d’ornements en argent équivalent au « prix » de la future mariée. Selon le prix très variable de l’argent sur le marché, un ensemble d’ornements en argent peut être vendu entre 10 000 et 20 000 de yuans (entre 1 483 et 2 966 dollars).
La fabrication d’ornements en argent est une activité valorisante car elle crée de l’emploi dans le village. À Shuiduichong, cette tradition perdure depuis longtemps et le village compte actuellement plus de 20 ateliers familiaux, ce qui représente 95 % du marché de la transformation de l’argent dans le district de Jinping. Le bénéfice net pour chaque ensemble ornemental peut atteindre entre 3 000 à 4 000 yuans (444 à 592 dollars). Un atelier familial peut donc générer un chiffre d’affaires net mensuel de plus de 10 000 yuans (1 483 dollars). Malgré tout, certains ménages défavorisés n’ont jamais eu accès à l’apprentissage de ces compétences. Le gouvernement local a donc prévu d’organiser des formations garantissant la transmission de ce savoir-faire et ainsi permettre à ces familles d’obtenir un revenu stable.
Ce voyage m’a fait prendre conscience qu’à force de volonté et de persévérance, autant de la part des dirigeants que de la population, l’éradication de la pauvreté est devenue une réalité dans la province du Yunnan. Selon moi, ces résultats devraient servir de source d’inspiration pour les autres pays en développement.
(L’auteur, originaire du Burundi, est doctorant à l’Université de communication de Chine.)