Des musiciens du Kazakhstan jouent des instruments traditionnels lors de la cérémonie d'ouverture de l'Expo internationale de la Route de la soie 2016 à Xi'an, province du Shaanxi (nord-ouest), le 13 mai 2016. (Photo : Xinhua)

La Conférence sur le dialogue des civilisations asiatiques qui se tient à Beijing en mai en présence de dirigeants d’État, de responsables d’organisations internationales et de représentants de divers domaines des sciences humaines met l’accent sur les échanges culturels et l’inspiration mutuelle.

Proposée par le président chinois Xi Jinping, la conférence a pour objectif de promouvoir le dialogue entre les différentes civilisations et les modèles de développement. « Il nous faut favoriser le respect mutuel et faire de la coexistence harmonieuse entre les différentes civilisations un pont d’amitiés entre les peuples, un moteur de progrès pour la société humaine et un trait d’union pour la paix dans le monde », avait-il déclaré au siège de l'UNESCO à Paris en mars 2014.

C’est cependant un défi dans le cadre de la mondialisation économique croissante.

Un concept relatif

A ce jour, il n'y a pas de définition claire du terme « civilisation ». Selon Fernand Braudel, il est apparu pour la première fois au XVIIIe siècle, opposant civilisation à barbarie. Il possède cependant une connotation spécifique due aux contraintes de son époque.

L’intellectuel japonais Yukichi Fukuzawa avait ainsi souligné au XIXe siècle que les guerres initiées par les pays occidentaux étaient des actes de barbarie. En apprenant de la civilisation occidentale, le Japon devait donc innover au lieu de s’en satisfaire. Mais M. Fukuzawa, tout comme de nombreux autres Japonais inspirés par ses idées, apprit de la barbarie de l’Occident pour s’engager dans la voie de l'agression et de l'expansion. De nos jours, la civilisation occidentale tend encore à faire usage de la force pour résoudre des problèmes et mener une politique de puissance, ce qui est considérablement problématique.

La civilisation fait référence à la richesse matérielle et spirituelle pour la pérennité de l’humanité. Une civilisation spirituelle a émergé, la société étant en son centre. Le développement de la civilisation consiste à répondre aux besoins matériels de l'homme tout en établissant une société conduisant à l’harmonie et au bonheur. Ainsi, le progrès continu est l’essence de la civilisation, et la recherche du bonheur est essentielle. Le conflit entre les civilisations n’est ainsi pas inévitable, mais il y a plutôt une dynamique pour l'intégration mutuelle. S’il y a conflit, c’est précisément parce que nous ne sommes pas assez civilisés.

Apprendre des autres

Le développement civilisationnel a été inégal dans l’histoire. Ce déséquilibre se manifeste non seulement dans le temps mais également dans l’espace. L’isolement relatif et les barrières linguistiques ont généré des différences culturelles, mais presqu’aucune civilisation n’est isolée ou ne compte que sur son propre développement. Absorber et apprendre des cultures étrangères est une étape importante dans le développement.

L’alphabet avait traversé la Méditerranée pour arriver en Grèce et Rome, puis dans le reste de l’Europe. Il est beaucoup plus facile d'apprendre ce qui existe déjà que de créer quelque chose de nouveau. L’apprentissage mutuel est ainsi un phénomène naturel, et il est plus courant en Asie. Par exemple, pendant la dynastie des Tang (618-907), le moine chinois Xuanzang s’est rendu en Inde pour étudier le bouddhisme. Le Japon a envoyé des émissaires en Chine pour apprendre de la culture chinoise au cours de la même période. Mais la civilisation ne consiste pas simplement à copier des autres : il s’agit de créer après avoir appris.

Une professeure de yoga indienne accompagnée de ses étudiants à l'Université des minorités ethniques de Kunming, dans la province du Yunnan (sud-ouest), le 27 avril 2017 (Photo : Xinhua)

Inconvénients de l'interventionnisme

Dans de nombreux autres cas, toutefois, l’interaction entre les civilisations s’est faite par le biais de conflits. La civilisation occidentale moderne s’est propagée principalement par la force, apportant la mondialisation et la modernisation. Ce fut un défi pour les cultures traditionnelles asiatiques. Si presque aucun pays n’a rejeté ces innovations, il y a eu des remises en cause. Les difficultés proviennent dans une certaine mesure des différences structurelles, mais surtout de l’interventionnisme occidental autocentré, qui prive les peuples du droit de bâtir leur propre civilisation et transforme le processus d’inspiration mutuelle en quelque chose de nocif pour tous.

Après la Seconde Guerre mondiale, avec la création des Nations unies, la civilisation est entrée dans une phase de coopération économique fondée sur la souveraineté égale, la diversité culturelle et le développement social. Cependant, la guerre froide a généré des divisions et des rivalités entre certains pays asiatiques. Plus tard, avec la mondialisation économique, la coopération en Asie s'est renforcée. Mais la reconnaissance mutuelle est encore entravée par plusieurs facteurs. Le choc des civilisations et des valeurs ainsi que les conflits géopolitiques au sein de la communauté internationale ont posé de nombreux problèmes. Le processus de modernisation ne concerne pas seulement le développement économique mais implique aussi une transformation culturelle. La modernisation reposant en effet sur la civilisation occidentale, elle contient cependant toujours ces éléments de barbarie dont M. Fukuzawa parlait.

Les pays asiatiques doivent absorber l'essence du progrès humain, se débarrasser du superflu, perpétuer les bonnes traditions de leurs propres civilisations et suivre leur propre voie à travers l’inspiration mutuelle et la création. Le dialogue entre les pays asiatiques doit résulter d’un effort commun visant à recréer la civilisation et à bâtir un avenir radieux pour tous.

(L'auteur est un journaliste et un commentateur spécialisé en études internationales)