Quatre-vingts ans plus tard, leurs actes continuent de marquer les esprits. Ils sont présents dans les manuels d’histoire, mais surtout gravés dans la mémoire collective.

La Une du 15 août 1945 du journal Ta Kung Pao sur la capitulation inconditionnelle du Japon, affichée au parc Zhongshan à Wuhan (Hubei), le 31 juillet 2025  

L’année 2025 marque le 80e anniversaire de la victoire de la Guerre de résistance du peuple chinois contre l’agression japonaise et de la Guerre mondiale antifasciste. Ces conflits historiques ont profondément marqué le destin des nations, mais ils ont également révélé la lumineuse humanité d’innombrables individus face à l’extrême. Au cœur des pires atrocités, des actes de courage et de solidarité ont su franchir les frontières et dépasser toutes différences. Ces récits offrent une grille de lecture inédite de la guerre et des leçons vitales pour notre époque.

Des actions sans frontières

La guerre incarne l’affrontement par excellence, mais c’est dans l’extrême adversité que surgit avec force la noblesse de la nature humaine, particulièrement à travers les actes humanitaires empreints d’internationalisme. Les archives historiques en conservent la trace indélébile.

À Nanjing, alors que les bombes pleuvent, l’homme d’affaires allemand John Rabe aurait pu fuir. Il choisit de rester et, avec une vingtaine d’étrangers, délimite une zone de sécurité de 3,86 km², donnant refuge à près de 250 000 civils chinois.

À Beijing, le médecin français Jean Jérôme Augustin Bussière, alors âgé de près de 70 ans, brave les lignes de blocus japonaises. Armé de sa seule bicyclette, il organise un réseau secret pour ravitailler en médicaments les bases de la résistance dans le Hebei et les monts Taihang.

Dans le Yunnan, le capitaine américain à la retraite Claire Lee Chennault donne naissance à la légendaire escadrille des Tigres Volants, ce groupe de pilotes volontaires dont les missions cruciales au-dessus de la Chine contribueront à sécuriser la route stratégique Yunnan-Birmanie.

Au large de la mer de Chine orientale, un drame humanitaire se joue après le naufrage du navire japonais le Lisbon Maru. Près de 2 000 prisonniers de guerre britanniques luttent pour leur survie dans les flots. Bravant l’interdiction japonaise, des pêcheurs de Zhoushan (Zhejiang) prennent spontanément la mer et réussissent l’impossible : sauver 384 soldats en détresse.

Sur le front du nord-est de la Chine, une autre forme de solidarité s’écrit. Des paysans chinois aident les soldats soviétiques à dégager leurs chars enlisés dans les bourbiers, tandis que d’autres partagent avec eux leurs maigres réserves d’eau et de nourriture. Ces actes de fraternité tracent dans la guerre une ligne d’humanité indéfectible.

Ces individus venaient de mondes différents, parlaient des langues distinctes, servaient sous des drapeaux variés. Pourtant, face à l’urgence, ils ont fait le même choix : celui de tendre la main. Leurs actes ont effacé les frontières, transcendé les différences ethniques et politiques, répondant simplement à l’appel de la conscience humaine. Ces exemples montrent que même en temps de guerre, la coopération et la bienveillance subsistent, formant un lien essentiel autour des valeurs universelles de l’humanité. 

Liao Mingfa (d.), descendant d’un villageois qui a aidé des pilotes américains après le Raid de Doolittle, montre une vieille photo à Clifford Ray Long Jr., descendant d’un membre des Tigres Volants, lors d’une rencontre sino-américaine à Quzhou (Zhejiang), le 17 avril 2025.  

L’amitié traverse le temps

Les amitiés nées dans le feu des combats ont survécu aux cendres du conflit, s’enracinant profondément pour fleurir à travers les générations suivantes.

Les miraculés du Lisbon Maru et leurs descendants ont gardé intacte la mémoire du sauvetage par les pêcheurs de Zhoushan. Pendant des décennies, ils ont multiplié les recherches pour retrouver les familles de leurs sauveurs, franchissant les mers pour leur témoigner leur reconnaissance éternelle. De cette gratitude partagée sont nés des monuments commémoratifs et des échanges qui se poursuivent aujourd’hui encore.

Thomas Rabe, héritier de la mémoire de son grand-père, cultive avec soin les liens tissés avec la Chine. Par le don du précieux Journal de John Rabe – témoignage capital des atrocités japonaises à Nanjing – et par son engagement constant en faveur des relations sino-allemandes, il fait vivre cet héritage humaniste au présent.

Des initiatives concrètes perpétuent aujourd’hui la flamme de cette solidarité historique. Aux États-Unis, des organisations comme la Fondation pour l’héritage aérien sino-américain ont créé des « écoles de l’amitié des Tigres Volants » et organisent des camps d’été éducatifs. Ces programmes vivants transmettent aux jeunes générations l’histoire de la fraternité d’armes sino-américaine.

Ces échanges constants ravivent la mémoire historique. Loin d’être une simple archive poussiéreuse, elle devient un pont dynamique et chaleureux – un dialogue ininterrompu entre les peuples, les générations et les nations.

La section dédiée aux étrangers qui ont travaillé aux côtés du peuple chinois dans sa guerre de résistance contre l’agression japonaise au Mémorial révolutionnaire de Yan’an (Shaanxi) 

La portée de l’histoire

Ces récits historiques révèlent une vérité essentielle : une paix durable ne se construit pas seulement sur des accords diplomatiques, mais aussi naît de la reconnaissance mutuelle et de l’entraide concrète entre les peuples, ancrées dans des valeurs universelles. Qu’il s’agisse du refuge offert par la zone de sécurité de Nanjing, des combats menés par les Tigres Volants, ou du vaillant sauvetage des pêcheurs de Zhoushan, chacun de ces épisodes incarne cette solidarité humaine qui transcende les frontières – un esprit plus que jamais nécessaire pour affronter les défis contemporains.

L’histoire ne vaut que si elle éclaire notre présent. À l’heure où persistent tensions régionales et logique de rivalité entre blocs, commémorer la victoire antifasciste d’il y a 80 ans prend un sens profond : faire vivre cet héritage de coopération face à l’adversité. Préserver et transmettre ces récits de solidarité constitue déjà un acte de paix, offrant à l’humanité des repères précieux pour édifier un avenir plus uni et résilient.