Scène de pêche au filet le 10 juin dans le canton de Huyu, province du Yunnan (sud-ouest de la Chine). (Photos : Wei Yao)

Yang Guo et son mari, Meipu Ganpang, deux paysans, avaient du mal à joindre les deux bouts à Huyu, un canton de la province du Yunnan (sud-ouest). La pauvreté les avait contraints à se séparer, ce dernier devenant travailleur migrant dans une ville au loin, laissant sa femme et ses deux enfants au village.

C'était une situation courante dans le canton, qui compte quatre villages et quelque 8 500 habitants. En 2018, ils vivaient sous le seuil national de pauvreté, avec un revenu annuel de 2 300 yuans (334 dollars). Plusieurs raisons expliquaient cette pauvreté : la terre stérile, les transports et les infrastructures sous-développés, et une économie à la traîne.

La plupart des villageois n'étaient de plus pas instruits, ce qui rendait l’introduction de nouvelles méthodes difficiles à accepter et l’acquisition de nouvelles compétences problématique, explique Yin Jiahui, secrétaire du Comité du Parti communiste chinois (PCC) du canton de Huyu.

Riziculture, pisciculture et tourisme

« La seule solution était de mettre en commun les ressources humaines et matérielles dispersées et de créer nos propres entreprises », précise M. Yin.

Le canton a commencé à étudier le potentiel humain et commercial de la zone dans le cadre de la campagne nationale visant à éradiquer la pauvreté absolue d'ici 2020, une campagne visant les villages et les xian les plus pauvres où la population vit sous le seuil de pauvreté.

Il en ressort que si l'agriculture et l'élevage peuvent procurer des revenus, les villageois n'ont pas le savoir-faire leur permettant d’explorer des marchés potentiels : les entreprises privées ont accès à la main-d'œuvre, à la logistique, aux informations et aux capitaux, mais leurs canaux de financement sont limités. Si les coopératives agricoles permettent de mettre les terres en commun, leur exploitation reste restreinte et le nombre de techniciens est insuffisant pour un développement plus poussé.

Après cette évaluation, les quatre villages ont créé un collectif en mai 2017. La société de développement agricole Huyubeng dispose aujourd'hui d'un capital de plus de 25 millions de yuans (3,6 millions de dollars), provenant principalement des contributions des paysans qui sont actionnaires et de fonds versés par de grandes entreprises. L’entité a commencé à développer des entreprises répondant aux conditions locales, allant de la plantation à la sélection et à la vente de produits en passant par la fabrication de machines agricoles, la logistique et le tourisme.

Huyubeng a investi dans une société de pisciculture qui bénéficie à de nombreuses familles comme celle de M. Yang. Dans le cadre du projet de lutte contre la pauvreté, la société a bénéficié d’alevins et son personnel d’une formation dispensée par des techniciens, ce qui a permis de générer des revenus.

Avec cet argent, la famille a acheté du bétail et de la volaille. M. Yang a également trouvé un emploi de balayeur à temps partiel cette année, proposé par le canton aux familles pauvres. « Auparavant, nous ne pouvions pas mener une vie décente même quand nous travaillions dur toute la journée. Mais maintenant, le travail est moins dur, nous gagnons plus et vivons plus confortablement », se réjoui M. Yang.

La société a loué plusieurs parcelles qui servent de rizières de démonstration, où les poissons sont élevés dans l'eau stagnante servant à l'irrigation des cultures, se nourrissent des vers et autres insectes, ce qui en fait un riz de haute qualité, car les pesticides ne sont pas utilisés. Outre les rizières, le poisson constitue une autre source de revenus pour les agriculteurs. La société a aussi élargi son champ d'action avec notamment le tourisme (pêche, visites de site et de fermes).

Des citronniers dans le canton de Huyu, province du Yunnan, (sud-ouest de la Chine) le 10 juin. (Photos : Wei Yao)

Faire de Huyubeng une marque réputée

En coopération avec d'autres entreprises, Huyubeng a développé une série de projets agricoles. Elle a acquis le droit de gérer des terres qui étaient auparavant fragmentés en petites parcelles et sous-utilisées dans les quatre villages. Outre les étangs à poissons et les rizières, on trouve aussi des citronniers, des mandariniers et des avocatiers, des agrumes adaptés au climat local. Des professionnels et des techniciens ont été embauchés pour accroître les rendements.

Les actionnaires de Huyubeng perçoivent un bonus de fin d'année et les participants à l'entreprise de plantation un dividende proportionnel aux bénéfices.

De tels projets garantissent que les agriculteurs en sont les bénéficiaires ultimes. Huyubeng a par exemple créé une coentreprise avec la société de plantation de mandarines Ruili Yuyao pour la fabrication de paniers et de boîtes pour les fruits. Les habitants peuvent travailler pour la nouvelle société et vendre leurs produits aux paysans à prix réduit, ce qui leur rapporte plus de 100 000 yuans (14 530 dollars) par an. La société a accru sa clientèle et reçu un grand nombre de commandes d'autres provinces.

Jusqu'à présent, Huyubeng a aidé plus de 600 habitants à trouver un emploi. Les paysans entreprenants qui souhaitent créer leur propre entreprise sont encouragés à rechercher une formation et un soutien financier auprès de l'entreprise.

En 2018, les recettes budgétaires du canton s'élevaient à près de 243 millions de yuans (35 millions de dollars), en hausse de 11 % par rapport à l'année précédente. Le revenu net annuel par habitant était de 11 040 yuans (1 604 dollars), soit une augmentation de 10 % par rapport à 2017.

Huyubeng fait cependant face à des défis pour son développement. « Nous avons besoin d'un plus grand accès aux financements, aux professionnels de la gestion d'entreprise et aux canaux de commercialisation », remarque M. Yin. Il reste néanmoins optimiste, estimant que Huyubeng deviendra une marque réputée sur laquelle les paysans comme les clients pourront compter.