XINHUA

Note de l'auteur : Ma première rencontre avec la Chine fut une aventure spirituelle débutée il y a plus de 35 ans. J'ai beaucoup lu sur l'histoire, la philosophie et la littérature de la Chine, qu’il s’agisse d’auteurs orientaux et occidentaux. J'ai suivi de près les articles et les éditoriaux écrits dans la presse occidentale. Ce qui se dégage de ces lectures est très différent de mes expériences personnelles. Des mots comme « autoritaire », « oppression », « absence de droits de l'homme », « pratiques commerciales déloyales », « menace militaire » et « suppression des minorités » ne conviennent tout simplement pas. Je cherche les racines de cette déconnexion dans mon livre sur le sujet qui paraitra l’an prochain. 

La croissance économique de la Chine depuis l’initiative de réforme et d’ouverture de Deng Xiaoping en 1978 est tout à fait miraculeuse. La « Révolution culturelle » (1966-1976) a laissé à la Chine une économie en difficulté, une structure gouvernementale désorganisée, un système éducatif défaillant et une population affamée. Les nouvelles technologies ont été utilisées pour transformer complètement le modèle agricole et les capacités manufacturières de la Chine. 

Comment la Chine s’y est-elle prise ? On peut dénombrer cinq facteurs principaux 

Un modèle de gouvernance d'entreprise discipliné et du sommet vers la base 

Ce dont Deng Xiaoping avait besoin, c’était d’une refonte totale du secteur agricole pour accroître considérablement la productivité et la production, et créer un secteur manufacturier compétitif en tirant parti des nouvelles technologies et d’une main-d’œuvre peu coûteuse. Un modèle de gouvernance a été établi, qui possède des caractéristiques essentielles.   

D’abord un leader fort, entouré d’une petite équipe de hauts fonctionnaires extrêmement talentueux et expérimentés qui effectuent la supervision et conseillent le leader. Pour la Chine, il s’agit du Comité permanent du Bureau politique du Comité central du Parti communiste chinois. Ensuite, un leadership fondé sur le consensus implique des compromis pour œuvrer collectivement à une vision unique. Ce modèle décisionnel contraste fortement avec le système multipartite antagoniste en vigueur dans la plupart des pays occidentaux. Enfin, un vivier de talents parmi les meilleurs et les plus brillants. Sous l’influence des valeurs confucéennes profondément ancrées dans l'histoire et la culture de la Chine, l’élite de la société aspire en effet en grande partie à travailler pour l’Etat, dans un système méritocratique où règne le respect des pairs.   

Ce modèle de gouvernance repose sur une planification quinquennale et nécessite la contribution majeure de leaders d'opinion, appartenant ou non au gouvernement, ainsi que des débats et des discussions. Il est ensuite adapté aux situations spécifiques à tous les niveaux, assorti d'objectifs économiques ambitieux et étayé par des dispositifs clairs. Les responsabilités sont clairement établies, les résultats évalués et les écarts mesurés, le processus étant renforcé par des mesures incitatives.    

Ce modèle aura permis à l'économie chinoise de croître et de se développer au cours des 40 dernières années à une échelle jamais vue auparavant dans un pays de cette taille.   

L’utilisation coordonnée de différents leviers  

Les autorités peuvent actionner de nombreux leviers, notamment via les lois, les taxes, les accords commerciaux, la politique budgétaire, les infrastructures, l'immigration, l'éducation et les soins de santé. Le modèle chinois applique la planification quinquennale à l'ensemble de l'économie, permettant ainsi une coordination étroite et un plan d'action cohérent. Bien que le gouvernement ne puisse pas contrôler directement les entreprises privées, il peut néanmoins fortement influer sur elles indirectement par le biais de ces leviers.  

Des mécanismes orientés vers les besoins de la population 

La démocratie électorale américaine donne aux citoyens le droit d'élire des fonctionnaires, mais leur donner rarement la possibilité d’avoir une influence sur des questions spécifiques. En Chine, par contre, la Conférence consultative politique du peuple chinois recueille les avis spécifiques de tous les pans de la société pour donner corps à des propositions destinées à l’Assemblée populaire nationale. On peut en voir des exemples dans le leadership mondial de la Chine dans les énergies renouvelables, les trains à grande vitesse et les véhicules électriques. Le test ultime de la réactivité d'un gouvernement se mesure au soutien populaire qu’il reçoit et aux aspirations de la population. Selon les recherches effectuées par la Pew Foundation et Edelman, la Chine figure au premier rang dans les deux cas de figure.       

Des dépenses militaires modestes principalement axées sur la défense 

Les gouvernements doivent effectuer des choix critiques pour équilibrer les investissements dans le développement national (infrastructures, soins de santé, éducation) et la défense. La Chine investit énormément dans les domaines qui améliorent le plus directement le niveau de vie de sa population et les résultats sont probants. Alors que les dépenses militaires pour assurer la sécurité intérieure sont essentielles, la Chine évite en grande partie celles qui sont axées sur les guerres étrangères ou les interventions visant à provoquer un changement politique.   

Une mondialisation qui profite au peuple chinois 

La Chine est un acteur majeur dans le commerce mondial, le développement des infrastructures dans les pays en développement, la finance mondiale et les efforts globaux pour l'environnement. La Chine participe également à des accords bilatéraux visant à garantir l'accès aux approvisionnements énergétiques et aux ressources minérales.  

Ce modèle de gouvernance, correctement mis en œuvre et amélioré, permet à la Chine de se développer à un rythme jamais atteint auparavant dans un pays de cette taille. Cela a également fait de l’économie chinoise l’une des plus importantes au monde. Beaucoup considèrent la Chine comme étant sur une voie qui fera d’elle la première économie mondiale d’ici une décennie. 

(L'auteur, ancien partenaire senior du cabinet McKinsey, est administrateur du China Institute, basé à New York)