Nombreux sont les Chinois qui reviennent s’installer et travailler dans leur pays après des années passées à l’étranger. Ces haigui, (« qui revient d’outre-mer ») comme on les appelle en Chine, plébiscitent Shenzhen, dans la province méridionale du Guangdong.

« Avant de voir l’Université des sciences et technologies du Sud, je n’aurais jamais pensé retourner en Chine », remarque Deng Weiwei, qui enseigne dans cet établissement, en évoquant la décision qu’il a prise il y a plus d’un an, paraphrasant ainsi les propos de Qian Zhongshu (« Avant de la voir, je n’aurais jamais pensé me marier »). C’est ainsi qu’il exprime son coup de foudre pour cette université.

Après avoir terminé ses études de premier cycle et de maîtrise à l’université Tsinghua, Deng Wei-wei a passé un doctorat à l’Université de Yale avant de devenir professeur titulaire à la Virginia Tech. Sa femme a étudié avec lui à l’université Tsinghua et travaille également dans une université en Virginie. En mai 2016, alors que Deng Weiwei faisait une présentation à l’Université des sciences et technologies du Sud, le président Chen Shiyi l’a chaleureusement invité à revenir en Chine pour y travailler. Deng Weiwei a appelé sa femme dans la soirée pour discuter de leur avenir en Chine. Elle y était fermement opposée : « Nous vivons bien aux Etats-Unis, pourquoi devrions-nous rentrer ? »

Pourquoi revenir en Chine ? Deng Weiwei explique qu’il n’est pas facile pour une personne d’âge mûr de prendre soudainement la décision de déménager à l’international, surtout après 15 ans aux Etats-Unis, mais une fois l’idée évoquée, elle est devenue comme « une petite flamme de plus en plus lumineuse ». « Même si la vie est agréable en Virginie, les jours passent et se ressemblent, ce qui devient ennuyeux à la longue. Parfois, en voyant le train s’éloigner lentement, je me dis que j’irais sans doute plus vite en courant alors qu’en Chine, les lignes de TGV couvrent la plupart des régions. »

En octobre 2016, lorsque la station spatiale Tiangong-2 a été lancée, Deng Weiwei ne pouvait compter que sur le cercle des amis pour aller aux nouvelles, et parmi eux, un camarade de classe universitaire qui se trouvait dans la salle de lancement. L’impact fut énorme. « Le développement rapide de la nation se constate chaque jour, mais nous ne pouvons être que des spectateurs dans un pays étranger lointain, et nous ne pouvons pas y participer. » Sa détermination à rentrer en Chine en fut renforcée.

Avec un peu d’insistance, l’attitude de son épouse a commencé à évoluer et finalement, à la suggestion de Deng Weiwei, elle effectua une visite à l’université : « J’essayais de trouver une raison de ne pas y retourner. Mais je ne pouvais vraiment pas en trouver. »

Dans l’après-midi du 26 janvier 2017, la veille du Nouvel An chinois, Deng Weiwei a remis sa démission au directeur du département de son université. Avec sa fille, une élève de primaire, et sa femme, ils prenaient la direction de Shenzhen. Au début, sa femme travaillait dans un hôpital de Hongkong et effectuait des trajets entre les deux villes. En 2017, l’hôpital de cancérologie de Shenzhen de l’Académie chinoise des sciences médicales qui venait d’ouvrir l’a embauchée. Au printemps 2018, elle a commencé à travailler à Shenzhen.

« Elle est maintenant l’épine dorsale de l’hôpital et est toujours par monts et par vaux. Elle est plus occupée que je ne le suis », note Deng Weiwei avec un sourire. Leur fille s’est aussi rapidement adaptée après des débuts difficiles. Après un trimestre difficile, ses notes ont progressé.

Deng Weiwei a publié auprès de son cercle d’amis ses réflexions, du début quand il pensait revenir en Chine, à la fin, quand il est finalement arrivé à Shenzhen. Elles ont été compilées dans un recueil « Journal d’un haigui », qui a été salué et a fait de ce « professeur haigui » une vedette de l’internet.

A l’heure actuelle, les professeurs haigui comme Deng Weiwei sont la force principale de l’Université des sciences et technologies du Sud. Les percées et l’innovation sont depuis sa création en 1979 dans le sang et les gènes de Shenzhen, une ville née avec la réforme et l’ouverture. Quarante ans plus tard, Shenzhen s’est rapidement transformée d’un petit village de pêcheurs en une métropole des plus dynamiques et innovantes. Huawei et Tencent y sont des entreprises technologiques de premier plan. Aujourd’hui, alors que la réforme et l’ouverture sont entrées dans une nouvelle phase, de plus en plus de jeunes et de professionnels de talent de retour ont choisi d’inventer leur avenir.

Dans cette université qui a ouvert ses portes il y a à peine sept ans, 90 % des enseignants ont une expérience de travail à l’étranger, plus de 60 % ont travaillé dans les 100 meilleures universités du monde et 58 ont été sélectionnés dans le « Thousand Talents Program ». L’université offre aux enseignants et aux étudiants un espace et des conditions d’innovation et d’entrepreneuriat très pratiques. Elle a en particulier mis en place des ateliers industriels de 150 mille mètres carrés qui servent de parc scientifique et technologique aux enseignants et aux étudiants pour la production et la recherche. Les enseignants sont autorisés à offrir des services scientifiques et technologiques en dehors de l’école une journée par semaine, et des politiques préférentielles pour soutenir les chercheurs dans les conversions technologiques ont été mises en place. A l’heure actuelle, 22 entreprises ont été créées et 3 sont en cours d’enregistrement.