Quand j'ai appris que mon village, à plus de 1 200 kilomètres d'ici, allait être démoli et que tout le monde allait être relogé ailleurs, j'y suis retournée pour participer à un grand rassemblement de mobilisation, mon appareil photo et mon enregistreur en poche. Quelques personnes en charge de la démolition ont expliqué les étapes du projet, promettant que « le gouvernement ne [vous] laissera pas tomber ». Je ne savais que penser car j'avais lu en ligne des histoires sur des personnes qui résistaient et qui avaient été intimidées.

Pendant les deux jours de ma visite et après avoir tenté de recueillir coûte que coûte des informations sur certaines « irrégularités », j'ai entendu des histoires différentes : comment des fratries s'étaient brouillées pour quelques mètres de terrain ; comment un couple avait divorcé –l'un parce qu'il trouvait la compensation acceptable, l'autre souhaitant plus d'argent du gouvernement – et comment un vieil homme malade se lamentait parce que sa maison n'allait plus être exposée au soleil – son fils ayant construit des toits sur des espaces inoccupés pour obtenir des compensations plus élevées du gouvernement et des promoteurs.

Après quatre mois de négociations, un accord a été trouvé entre les familles et le gouvernement et les promoteurs. Mon village allait être reconstruit dans le cadre du plan d'urbanisation de Nanjing.

Voilà la réalité.

C'est la raison pour laquelle la majorité des habitants ont été en colère après la diffusion d'une vidéo de la BBC avec un article intitulé « L'équipe de la BBC forcée de signer une confession ». Le reportage raconte que le journaliste n'a pas pu rencontrer une pétitionnaire dans le cadre d'un différend sur un terrain dans la province centrale du Hunan en raison de l'intervention d'hommes de main. Le journaliste utilise des mots forts : « violence », « intimidation » et « confession forcée » tout en ignorant les autres points de vue.

Il faut examiner la négligence délibérée du journaliste.

Le processus d'urbanisation de la Chine qui implique des transferts et des relocalisations est une tâche herculéenne pour les autorités locales. Il est nécessaire de faire preuve de sagesse et de compromis pour trouver un équilibre entre progrès social et justice individuelle sous forme de compensation, tout en s'assurant que personne, même les plus difficiles, ne puisse se plaindre.

Le fait d'accuser les personnels de sécurité qui protègent autrui au risque de leur vie et qui ont pour obligation de maintenir l'ordre public d'être une « bande d'hommes de main » nuit à la réputation d'une agence de presse comme la BBC. Ce sont eux qui garantissent la loi et l'ordre en Chine. Cette hostilité à peine voilée à l'encontre des forces de l'ordre et des personnels de sécurité est une attaque éhontée.

La vidéo et l'article qui l'accompagne posent la question du rôle d'un média crédible et d'un journalisme responsable. Les reportages qui visent à propager la peur, la colère et le ressentiment à l'encontre du gouvernement et des fonctionnaires, sans tenir compte de la nature de l'argument, relèvent de la préméditation.

C'est pourquoi les « reportages » en Chine de la BBC ont toujours le même schéma, dépeignant un pays « cruellement totalitaire » et « opposé à la liberté ». Cette narration, le concept du combat entre David et Goliath, devient inopérante si « David » n'est pas vraiment le personnage saint qu'on nous fait croire.

Quand l'élite médiatique se prétend être le défenseur de la cause du peuple, il faut éclaircir les choses : s'agit–il de la majorité ou de quelques–uns ? Quand la vérité sélective devient un mantra pour le journalisme, nous devons prendre de la distance et considérer le bien collectif.

Une certaine presse est tellement friande de sensationnalisme et veut faire mousser les faits qu'elle oublie le message et les conséquences de ce message.

Beaucoup de Chinois partageaient le sentiment du président américain Donald Trump, qui a exprimé sa colère à l'égard de certains médias, et dit que « les fausses informations sont l'ennemi du peuple » (les médias ont ensuite omis le mot « fausses » pour dire « les médias sont l'ennemi du peuple »).

Un pays immense comme la Chine avec ses 1,4 milliard d'habitants rencontre évidemment des problèmes. Les journalistes chevronnés et bien intentionnés qui soulignent les problèmes véritables d'une manière responsable sont indispensables pour faire de la Chine un endroit plus agréable pour y vivre et prospérer.