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Pourquoi la Chine a-t-elle besoin de Xi Jinping en tant que « noyau central » ? |
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Robert Lawrence Kuhn · 2016-12-02 · Source: Beijing Information | |
Mots-clés: Xi Jinping; noyau central |
Robert Lawrence Kuhn
Note de l'éditeur :
Dans un article paru dans le journal hongkongais South China Morning Post, Robert Lawrence Kuhn, un célèbre commentateur sur la Chine, précise qu'interpréter le concept de « noyau central » comme un « pouvoir autoritaire » est une erreur, puisqu'il faut prendre en considération les défis de taille que traverse actuellement le pays. Voici un extrait modifié de l'article:
Lorsque le président Xi Jinping a été désigné comme « noyau » du Comité central du Parti communiste chinois (CCPCC) lors d'un récent plénum du Parti, certains médias occidentaux ont évoqué la montée d'une nouvelle « figure autoritaire ». Si reconnaître l'importance de Xi Jinping en tant que « noyau » est correct, comparer cet événement à l'émergence d'un dictateur ne l'est pas. Je me souviens de ma rencontre avec le président Xi il y a quelques années, alors qu'il était encore secrétaire du Parti de la province du Zhejiang. Déjà, il critiquait les « discours vides » et conseillait : « nous ne devrions jamais surestimer nos accomplissements ou nous en satisfaire ». J'ai été attentif aux paroles de Xi Jinping : « Nous devons nous autoévaluer objectivement. » Difficile d'y voir, avec le recul, les réflexions d'un futur dictateur.
Pour comprendre pourquoi le président Xi est désormais « noyau central », il faut comprendre les défis complexes de notre époque. La Chine fait désormais face à des défis multiples : en interne, un ralentissement de la croissance, une surcapacité industrielle, une pollution endémique, un développement déséquilibré, une disparité des revenus, une injustice sociale, une forte demande de services sociaux ; et en externe, des guerres, des conflits régionaux, une économie atone, une volatilité des marchés, un protectionnisme commercial, des affrontements ethniques, du terrorisme, des rivalités géopolitiques et des disputes territoriales dans les mers de Chine méridionale et orientale.
Comment Xi Jinping peut-il utiliser ses nouvelles habilités en tant que « noyau central » du CCPCC?
La Chine ayant pour objectif d'approfondir ses réformes afin d'atteindre le fameux statut de « société modérément prospère » d'ici 2020, elle doit dépasser la forte résistance de certains groupes d'intérêts. C'est ce que certains appellent une « résistance invisible » : des responsables locaux qui ne font pas leur travail et des élites économiques qui migrent. Si la réforme avait été instaurée en douceur, alors pourquoi renforcer l'autorité centrale en donnant à Xi Jinping le statut de « noyau central » ? Il a rencontré des obstacles, d'où la nécessité de ce nouveau statut.
J'ai discuté avec des responsables et des théoriciens du Parti à propos du statut de M. Xi en tant que « noyau central ». Sur quatre des facteurs que j'ai trouvés pour expliquer l'ascension de Xi Jinping, le premier et le plus important est la nécessité d'avoir un noyau fort pour maintenir la stabilité et mettre en œuvre la réforme. Le deuxième facteur est que Xi est responsable de la transformation de la Chine. De plus, il a fait preuve de courage en affrontant et en démantelant un vaste système de corruption, de favoritisme et d'accumulation de richesse illégale.
Avec Xi Jinping comme « noyau central » de la Chine, la discipline l'emporte sur la corruption dans le cadre de la réforme
Un troisième facteur est que Xi Jinping en tant que « noyau » n'altère en rien le principe du « centralisme démocratique ». Au contraire, le Parti renforce chacune de ces notions : encourager les suggestions et commentaires des membres, des fonctionnaires de rangs inférieurs et du public, et renforcer le centralisme autour des principaux leviers du pouvoir de M. Xi (ses fonctions en tant que secrétaire général du Parti, chef d'Etat, président de la Commission militaire centrale et chef des équipes travaillant sur la réforme, la sécurité nationale et de la sécurité internet). Enfin, le quatrième facteur est qu'un « noyau » est nécessaire pour gérer rigoureusement le Parti et ainsi donner plus de confiance à ses membres et au peuple. A titre d'exemple, la campagne anti-corruption implacable et sans précédent de Xi Jinping, qui altère le travail et même la manière de penser des fonctionnaires et des dirigeants du secteur de l'industrie. Il est important que chacun réalise que la bataille de Xi contre la corruption n'a pas été sans risque.
Ces quatre facteurs qui justifient la position du président Xi comme « noyau central » au sein de son environnement politique sont appelés « Les quatre aspects non changés » : une société modérément prospère, la réforme, un Etat de droit et la discipline au sein du Parti. Le statut de Xi a été défini par la volonté collective du Parti et du peuple. Devenir « noyau central » ne découle pas systématiquement du poste de Secrétaire général, il faut que l'espace-temps soit le bon et que cela soit mérité.
Lors d'une conférence de presse à la suite du sixième plénum du XVIIIe CCPCC en octobre, Huang Kunming, vice-ministre exécutif du Département international de ce Comité, a déclaré que « les services centraux et locaux ainsi que le corps militaire ont tous exprimé leur soutien » à Xi Jinping pour son nouveau rôle en tant que « noyau central » du Parti, ajoutant que cette décision est « basée sur la précieuse expérience du Parti, et que cela est très important pour nous ». M. Huang a également expliqué qu'un « noyau central est nécessaire pour s'assurer que le Parti soit fort », et que c'était important pour réaffirmer l'autorité du CCPCC, pour maintenir les dirigeants du Parti unis ainsi que pour « rester fidèle à sa mission ». Pour autant, selon les théoriciens du Parti, le statut de Xi comme « noyau central » est plus une ratification de la réalité qu'un changement des principes fondamentaux.
Pourquoi devenir « noyau central » est-il important pour les dirigeants communistes chinois?
Dans un contexte historique, que signifie l'ascension de M. Xi en tant que « noyau central » ? Le concept a été introduit par Deng Xiaoping lors de la désignation de Jiang Zemin comme « noyau de la troisième génération » des leaders centraux, renforçant le statut de M. Jiang suite à son inattendue nomination en tant que chef du Parti en 1989. A cette époque, la Chine faisait face à une stagnation économique et à une instabilité sociale en interne ainsi qu'à un isolationnisme diplomatique et économique en externe. Comme l'a souligné M. Deng, « tout groupe de dirigeants devrait avoir un « noyau central » pour être fiable ».
M. Deng a alors attribué ce nouveau titre à Mao Zedong et à lui-même, « noyau » de la première et de la deuxième génération respectivement (bien sûr, la suprématie de Mao était telle que de l'appeler « noyau central » de son vivant aurait été dévalorisant. M. Deng est, lui, resté « noyau central » même lorsqu'il n'occupait plus aucune fonction officielle). Le monde actuel est plus complexe. La Chine fait face à des menaces tant internes qu'externes. L'instabilité et l'incertitude prennent de l'ampleur, la situation au Moyen-Orient et l'élection de Donald Trump le prouvent. Il est plus nécessaire que jamais d'assurer la stabilité de la Chine, ce qui justifie un renforcement de l'autorité de Xi Jinping en le nommant « noyau central ». Des théoriciens du Parti soutiennent que la Chine a un besoin « urgent » d'un centre politique élaboré et nuancé qui aille avec son temps. Bien que les conditions actuelles ne soient plus les mêmes qu'en 1989, les préconisations de M. Deng paraissent toujours d'actualité. Pour autant, le fait qu'un « noyau central » soit nécessaire aujourd'hui ne signifie pas qu'il le sera toujours. Une fois que la Chine sera devenue une nation entièrement modernisée, la situation évoluera peut-être.
L'Occident ne comprend pas la Chine
J'entends fréquemment parler des « leçons douloureuses que tire la Chine de ce siècle baigné de sang et de larmes », et qu'il serait impensable que la Chine n'aie pas de dirigeant autoritaire. Pourtant, les dires au sein du Parti soutiennent que « Xi Jinping a passé l'épreuve du peuple » afin de devenir le « noyau » politique de cette époque.
Les savants chinois soutiennent que le terme de « noyau central » est une caractéristique unique de la théorie politique chinoise, mais que ce concept n'est pas applicable (ni explicable) en Occident. Ils trouvent infondé voire paranoïaque que les Occidentaux voient « la naissance d'un nouvel empereur » en l'ascension de Xi Jinping. Etant donné la structure politique actuelle du Parti, le concept de « noyau central » renforce même la cohésion et prévient un culte de la personnalité, plutôt que de l'encourager. Nommer un « noyau central » signifie comprendre que le système du Parti n'est plus un « système empereur », que le pouvoir absolu n'est pas accepté et que le système de pouvoir optimal, du moins pour les années à venir, est fondé sur une combinaison de centralisme et de démocratie collective.
Le communiqué issu du sixième plenum reconfirme le « principe de leadership collectif ». Il précise que « l'instauration d'un leadership collectif et d'une division du travail est un composant important du centralisme démocratique et que chacun doit y adhérer ». Il ajoute également que « nulle organisation ou nul individu n'est autorisé à aller à l'encontre de ce système ».
Comment Xi Jinping a-t-il réussi à s'assurer le statut de « noyau central » en seulement quatre ans ?
Certains analystes y voient des contradictions. D'un côté, le communiqué appelle à la démocratie et aux critiques constructives internes au Parti. D'un autre, manquer aux obligations du Parti est interdit, ce qui est assuré par une surveillance sans faille et une forte discipline. Pourtant, considérer ici une contradiction est une mauvaise interprétation des faits. Xi Jinping apprécie le fait que le plus dur reste à venir. Il me l'a dit il y a dix ans, et c'est encore plus vrai aujourd'hui.
En Chine, personne ne pense que Xi Jinping est en phase de devenir un nouveau Mao Zedong. La Chine est désormais la deuxième économie et la plus grande entité commerciale au monde. La diplomatie chinoise prend de l'importance et sa force militaire grandit. Entre son initiative « Ceinture et route » qui vise à construire des infrastructures pour faciliter le commerce entre 60 pays en voie de développement et son rôle de leader au sein de la force de maintien de la paix de l'ONU, la Chine s'investit dans toutes les affaires internationales d'importance.
Alors, quelle Chine voulons-nous? Certainement pas une Chine dont le pouvoir central est fragile et fragmenté. Etant donné la forte population de la Chine et ses inégalités, ainsi que sa diversité de cultures et de traditions, la Chine d'aujourd'hui a besoin d'un dirigeant avec suffisamment de force et de prestige pour assurer la stabilité sociale, pour conduire une réforme économique et pour être une force mondiale responsable. L'accession de Xi Jinping au titre de « noyau central » devrait être une bonne chose pour la Chine, et donc pour le monde.
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