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Brexit : réparer les dégâts |
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Kerry Brown · 2016-07-28 · Source: Beijing Information | |
Mots-clés: Chine;Europe |
Le résultat du referendum britannique sur son appartenance à l'Union européenne le 23 juin était inattendu, bien que les sondages prédisaient un vote très serré. La décision de 17,4 millions de Britanniques de quitter l'Union contre celle de 16,1 millions à avoir voté pour rester a créé une crise sans précédent chez les leaders politiques britanniques.
Personne ne conteste le fait que les problèmes engendrés prendront plusieurs années à résoudre. Le référendum a mis en lumière une division tant économique, politique que sociale du pays, et un besoin de réforme substantielle du système. La question demeure de savoir si le nouveau leader sera capable d'y remédier.
L'Histoire jugera sévèrement le travail de l'ancien Premier ministre, David Cameron. Son insistance quant à la tenue de ce référendum était remise en question même par ses plus proches associés, y compris l'ancien Chancelier, George Osborne. Le résultat aura ruiné leur carrière politique respective.
La nouvelle titulaire du poste de Premier ministre, Theresa May, était également en faveur d'un maintien dans l'Union, comme plus de deux tiers des membres du parlement, bien qu'elle ait fait profil bas durant la plus grande partie de la campagne. Il est désormais de sa responsabilité d'organiser la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.
Des promesses toutes neuves
Toutefois, personne ne sait vraiment quelles en seront les conséquences. Dans la Chine ancienne, un proverbe parle d'un tigre avec une ceinture autour du cou. Le proverbe dit que celui qui l'a mise là doit être celui qui la retire. Mme May a donné des postes clé aux plus fervents défenseurs du « leave » afin de leur permettre de partager leur vision des choses.
Le plus influent est Boris Johnson, ancien maire de Londres, qui a joué un rôle déterminant dans la persuasion du peuple britannique qu'il était dans leur intérêt de se séparer de certains de leurs plus proches alliés politiques et économiques. Comme nouveau secrétaire d'Etat des Affaires étrangères, il devra voyager dans certains pays et rencontrer des personnes qu'il a vivement critiquées il y a peu. On pourrait penser qu'il s'agit d'un châtiment mais c'est peut-être un acte d'expiation.
Cependant, celui qui s'est le plus investi dans la recherche d'un terrain d'entente avec l'Europe quant à la sortie du Royaume-Uni est le politicien vétéran David Davies. Considéré comme un homme d'envergure, bien que laissé sur le banc de touche sous le mandat de M. Cameron, il a été placé à la tête d'un nouveau ministère dont le nom de « Ministère du retrait de l'Union européenne » est quelque peu déplaisant. Son objectif est de créer un cadre de travail préservant les intérêts actuels du Royaume-Uni dans les domaines des services, de la finance, de l'éducation et de l'exportation, tout en s'affranchissant des régulations européennes, et ce particulièrement concernant la liberté de circulation des personnes. En effet, l'immigration a été l'une des principales raisons pour lesquelles tant de personnes ont voté pour un retrait lors de ce référendum historique.
Comme lors de toute campagne, de nombreuses promesses ont été faites durant les trois mois précédant le 23 juin. Le coût de l'appartenance à l'Union européenne a été largement estimé par les sympathisants du retrait à 350 millions de livres sterling (soit 461 millions de dollars) par semaine. De même, contrôler davantage l'immigration faisait partie des promesses phares lors de la campagne. Pourtant, sur ces deux points, de hauts responsables ont désormais fait marche arrière. L'accès au large marché européen vaut bien plus que 350 millions par semaine, et le contrôle de la circulation libre des personnes au Royaume-Uni ne concerne pas seulement l'UE.
L'implication de la Chine
Qu'est-ce-que cela signifie, tant pour le Royaume-Uni que pour la Chine? Un âge d'or des relations bilatérales avait été évoqué l'année dernière lors de la visite du président chinois Xi Jinping. Pourtant, Mme May n'a elle-même pas d'expérience concrète en matière de politique étrangère. Son expérience dans le domaine est essentiellement interne, tant dans l'opposition qu'au gouvernement, où elle a été secrétaire d'Etat à l'Intérieur jusqu'en 2010. Bien que considérée comme compétente, elle n'était pas impliquée dans les discussions concernant la nouvelle ère des relations Chine-Royaume-Uni.
En tant que Premier ministre, cela va devoir changer, et vite. Le renvoi de M. Osborne par Mme May signifie que la personne la plus à même d'améliorer les relations Chine-Royaume-Uni n'est plus au pouvoir, bien que cela n'entraîne pas forcément un changement de politique. Les problèmes que M. Osborne essayait de régler restent inchangés : nécessité d'un meilleur échange en termes d'investissements, de commerce et de services. Les investissements chinois au Royaume-Uni ne représentent toujours que 0,1 % de la totalité des investissements étrangers. Les investissements britanniques en Chine ne sont que peu supérieurs, représentant 1 % du total. Cela doit s'améliorer.
L'une des principales préoccupations suite au Brexit est la conservation de la City de Londres comme centre financier et de services compétitif internationalement. Malgré les doutes des élites et des experts urbains lors de la campagne du Brexit, la City de Londres représente environ 20 % du PIB britannique et créée de nombreux emplois de qualité. L'instabilité de la capitale aura un impact fortement néfaste sur le reste du pays. Ces dernières années, la City s'est positionnée en tant que principal centre boursier pour le Renminbi chinois, et quelques accords ont été signés l'année dernière pour accélérer le processus.
En tant que ville du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne, Londres avait ce que l'on appelle des droits de passeport, permettant aux commerces britanniques d'opérer sur chaque marché des 28 pays de l'Union. Le retrait du Royaume-Uni pourrait gravement entraver l'attractivité et la compétitivité de Londres. C'est actuellement un centre financier européen mais aussi mondial, et être relégué au statut de centre financier britannique uniquement serait très régressif. La Chine pourrait être amenée à chercher un autre partenaire financier.
Si le Royaume-Uni cherche désormais à négocier un accord de libre-échange avec la Chine, un des points clé de la négociation serait l'amélioration de l'accès au marché interne des services chinois. C'est là le point faible du Royaume-Uni, et donc là où l'on attend une forte croissance à l'avenir. Cela pourrait, du moins dans ce secteur, placer le Royaume-Uni dans une position de force par rapport à ses concurrents européens, pour qui la discussion sur l'accord de libre-échange entre la Chine et l'Union européenne est, pour le moment, au point mort. Mais cela serait difficile à réaliser, ce qui n'est pas l'idéal pour le Royaume-Uni.
Ce qui est sûr, c'est que les industries manufacturières britanniques devront reconsidérer leur approche du marché chinois. Cela demandera une expertise sans précédent, puisque la Grande-Bretagne aura besoin de personnel qui comprend, parle et qui soit capable d'échanger avec la Chine dans ses entreprises. Une forte implication et une forte intensité seront nécessaires, comme jamais auparavant. Ainsi, l'apprentissage du chinois au Royaume-Uni pourrait entrer dans un âge d'or. Les connaissances sur la Chine sont beaucoup plus importantes aujourd'hui qu'elles ne l'étaient avant le 23 juin.
Mme May cherchant à renforcer les liens avec la Chine, elle doit cependant prendre des précautions et trouver un équilibre entre les relations avec la Chine et les forts liens sécuritaires avec les Etats-Unis. Dans cette période où la tension est palpable entre la Chine et les Etats-Unis, cela pourrait représenter un problème délicat. Un engagement trop fort avec la Chine déclencherait les critiques de Washington, mais trop peu influencerait les perspectives économiques du Royaume-Uni.
Finalement, l'accord que Mme May a promis d'implémenter devra défendre la position internationale des universités britanniques, qui sont extrêmement importantes pour la Chine. Plus de 90 000 Chinois étudient au Royaume-Uni et le développement des liens progresse. Dans les classements internationaux, les universités britanniques comme Cambridge, Oxford ou Imperial College sont régulièrement classées dans le top 20. Ces dernières années, près d'un quart du financement de la recherche provenait de projets européens, et ne plus y avoir accès portera préjudice à la recherche. Malgré le fait que les universités britanniques soient capables de trouver d'autres sources de financement, la décision du gouvernement de tenir ce référendum a rendu leur travail bien plus difficile.
Beaucoup pensent que si le Royaume-Uni quitte l'UE, le processus de réadaptation serait si instable que cela n'arrivera jamais. Mais étant donné le résultat du référendum, il est plus que probable que cela arrive. Un deuxième référendum est toujours possible mais seulement si l'UE propose un nouvel accord bien plus arrangeant, qui puisse vraiment être sujet à un vote. La troisième, et la plus probable des possibilités, est que le Royaume-Uni propose un cadre de travail créé à la va-vite et donc très imparfait, qui prendra des années à être implémenté correctement.
Le pari de Cameron consistant à proposer une solution aussi radicale et imparfaite pour prendre une décision aussi cruciale restera dans l'histoire comme l'une des plus grandes erreurs jamais commises par un dirigeant britannique. Si Mme May réussit à réparer ne serait-ce qu'une partie de dégâts causés par M. Cameron, elle aura fait du bon travail.
Beijing Information
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