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Publié le 16/03/2009
Robots mais ruraux

Depuis deux décennies, un paysan pékinois a réalisé 33 robots en autodidacte dans la minuscule cour de son logement.

Chen Ran

Selon des considérations purement astrologiques, les personnes nées sous le signe des poissons, dont la date de naissance se situe entre le 19 février et le 20 mars, ont une tendance caractéristique au romantisme et à la rêverie. Wu Yulu, paysan pékinois né le 17 mars 1962, doit sans doute être peu familier avec l'astrologie occidentale, cependant son violon d'Ingres, la construction de robots a assurément un rapport avec son signe zodiacal.

Depuis 1986, ce résident rural a donné naissance à 33 robots depuis sa microscopique cour du village de Mawu, rattaché au bourg de Huoxian, dans le district oriental de Tongzhou, appartenant à la capitale chinoise. Fruit d'une imagination débordante, il a surnommé chaque robot par ordre numérique, les baptisant de son nom de famille.

« Chacun de mes enfants humanoïdes possède des fonctions spécifiques. Par exemple, Wu nº5 peut nous aider dans nos corvées quotidiennes ; nº22 est capable de faire des galipettes. Nº33, peut aider à déplacer les patients handicapés ; Wu nº34, dont la conception est à moitié achevée, peut participer à une partie d'échecs », nous a confié son inventeur du haut de Wu nº32, un tireur de pousse-pousse. « Je viens de recevoir une invitation à une exposition organisée dans la ville de Shijiazhuang, chef-lieu de la province voisine du Hebei, ce vendredi. Mes robots seront disposés dans la même enceinte que le vaisseau spatial Shenzhou 7. C'est un immense honneur pour moi qui ne suis qu'un paysan ordinaire. »

Premières rencontres du troisième type avec les humanoïdes

Ce fut avant ses 12 printemps que ce modeste mais génial inventeur conçut son premier robot. « Une personne passait devant ma maison d'un pas pressé, et j'étais curieux de savoir comment fonctionnent certains mécanismes. C'est ce qui m'a poussé à confectionner une machine qui soit capable de marcher comme le font les hommes », se rappelle M. Wu. Son porte-monnaie criant famine, la plupart des matériaux qu'il utilisa provinrent du centre de recyclage.

« J'ai abandonné les études après l'école primaire car cela m'écœurait. Cependant, les machines et les jouets me fascinaient et j'adore me consacrer à la recherche théorique en mécanique », a reconnu M. Wu, qui outre les humanoïdes, se dédie à la conception d'outillage agricole.

Le bétail et la main-d'œuvre restaient les principales forces de production agricole en Chine au début des années 1980 en l'absence de machines ; la famille Wu ne fut pas épargnée. « Je préférais la conception de robots aux travaux champêtres, pourtant mon père sollicitait mon aide quand venait l'ensemencement. Je travaillais moins d'une journée et trois jours plus tard j'avais déjà conçu un vélo-semoir multifonctions », se souvient avec émotion l'agriculteur.

Les efforts de cet habitant finirent par être récompensés. Cette machine contrôlée par une personne pouvait abattre le travail de quatre paysans. La nouvelle se répandit rapidement et les voisins se rendirent chez lui pour lui emprunter sa découverte. « J'étais ravi de constater que cette trouvaille était efficace et pouvait être au service d'autrui », estime le concepteur. « Cela m'a également conforté dans mon choix de donner vie à des robots. »

M. Wu travaillait dans une cimenterie locale pour financer ses rêves du troisième type. Son premier bébé, nº1 ne vit le jour qu'en 1986.

L'algèbre et la géométrie constituent la pierre angulaire de la fabrication de robots. Malheureusement, le paysan pékinois était peu instruit des angles ou des dimensions dans la phase de conception. « Je suivais ce que mon esprit me dictait, ce qui pouvait signifier dépenser plus de temps, d'énergie ou d'argent. Par exemple, j'ai du créer cinq ébauches en six ans pour réaliser les jambes bioniques de mon robot tireur de pousse-pousse, nº32. Je suis fier de ma persévérance, mais je regrette sincèrement d'avoir prématurément abandonné mes études », a-t-il nuancé.

« Généralement, je parviens à comprendre le fonctionnement global avant la phase de conception ; je possède une certaine lucidité quant à la théorie mécanique », a reconnu le créateur. « Grâce à l'expérience que j'ai acquis ces deux dernières décennies, mon esprit s'est aguerri et le temps de production de mes enfants s'est raccourci ».

 
« Bonjour, je suis un robot tireur de pousse-pousse. Mon père se nomme Wu Yulu. Je l'emmène en ballade. Merci », déclare Wu nº32, robot à échelle humaine (le message fut enregistré par Wu Yulu). (Shi Gang) 

M. Wu et ses enfants humanoïdes reçurent leur première exposition médiatique au début de l'année 2002, lorsqu'une connaissance ébruita l'affaire à un journal.

La rançon du succès

Seul l'amour pousse M. Wu à donner vie à des humanoïdes. Il n'avait jamais pris conscience qu'il pouvait vivre de sa passion avant l'année 2003, lorsqu'il fut invité à participer à une émission télévisée consacrée aux inventions personnelles dans la province centrale du Hunan. Ses enfants lui valurent le premier prix ainsi qu'une récompense de 10 000 yuans (1 156 euros).

 
Une pièce de la maison de M. Wu est dédiée à la réparation de ses enfants bioniques. (Shi Gang) 
Les priorités de ce quadragénaire ont également évolué. « Je dois affronter les difficultés de la vie car je ne suis plus un adolescent. Je dois m'occuper de ma famille », a-t-il déclaré.

Pour 30 000 yuans (3 465 euros) et éponger ses dettes, il s'est séparé de Super Wu nº5, version améliorée de Wu nº5. « Cette superbe création possédait deux mains bioniques qui lui permettaient de servir le thé, d'écrire et également de jouer du erhu (instrument à deux cordes et archet, employé dans la musique traditionnelle chinoise). Rien que pour créer ses mains, j'avais passé deux mois », dit-il avec fierté.

La célébrité a élargi les perspectives pour M. Wu et lui a ouvert de nouvelles portes sur le plan professionnel. En 2007, il signa un contrat avec une entreprise de nettoyage située à l'est de la province du Zhejiang pour la fabrication d'un robot qui puisse nettoyer l'extérieur des bureaux. Cependant le climat et la pression au travail dans cette province vinrent à bout de la santé et de la ténacité de M. Wu, qui finit par renoncer à ce projet.

Bien que d'innombrables reportages dans les médias lui aient valu une certaine célébrité, la vie de ce paysan reste simple, comme au premier jour. Son idée de créer 12 robots chinois selon les signes zodiacaux est restée au stade d'ébauche pour des problèmes de budget ; de la même manière, les leçons de création de robots prévues par M. Wu pour les écoles élémentaires et moyennes furent repoussées. Les entretiens réguliers avec la presse ont une incidence sur son programme et lorsque la pression augmente, il glisse vers la dépression. Néanmoins, ce rural a indiqué qu'il poursuivra sa fibre robotique et qu'il travaille actuellement avec deux entreprises. Lorsque son fils aura terminé ses études supérieures, ce père souhaite fonder une entreprise avec son enfant.

Une histoire d'amour entre fils et câbles

« La peur, le danger, l'amertume et la fatigue remplissent nos vies, au lieu du romantisme », nous a avoué la femme de M. Wu, Dong Shuyan. « Toute son attention se tourne vers les robots ; l'amour qu'il leur porte est bien plus grand que celui qu'ils nous accorde. »

Depuis qu'il s'est mis en tête de concevoir ces êtres bizarres, l'ardoise de la famille ne cesse de s'agrandir. Pire encore, des blessures ont fait séjourner M. Wu à l'hôpital plusieurs fois ; le pire accident, une brûlure l'a cloué sur un lit pendant deux semaines.

Cependant l'amour que porte le découvreur à sa femme ne s'exprime pas nécessairement avec des mots. Il a réalisé divers objets, des berceaux en passant par des chaises tournantes, pour les enfants de l'école maternelle de Mme Dong. Une machine qu'il a fait de ses propres mains et qui s'apparente à un tableau noir, combine certains caractères basiques du chinois du côté gauche et des calculs basiques du côté droit ; elle a éveillé la curiosité des enfants et a épargné à Mme Dong de pénibles effaçages de tableau.

Le plus grand mur à leur mariage survint le 19 juin 1999, lorsque par inadvertance son mari provoqua un incendie qui ravagea toute leur maison et fit disparaître tous leurs biens sous les flammes. Mme Dong, en proie au désespoir, embarqua ses deux jeunes fils alors adolescents et quitta le foyer familial et songea au divorce. M. Wu, pris de remords lui promit d'arrêter de créer des robots et, dans les heures qui suivirent, emprunta 90 000 yuans (10 412 euros) afin de reconstruire leur domicile. Mais ce qui convint davantage Mme Dong, c'est le fait que son mari lui implora à genoux de regagner le domicile conjugal.

« Les premiers jours il était d'humeur irascible et affichait une mine affligeante. J'étais triste de voir que je l'avais transformé à ce point », se rappelle Mme Dong avec douleur. « J'étais effrayée par son excentricité. Cela sautait aux yeux qu'il n'abandonnerait jamais la conception de robots. C'est pourquoi après coup je lui dis qu'il pouvait faire ce qu'il voulait tant que cela le rendait heureux. »

« C'était pour moi un grand soulagement de le voir reprendre un état normal », précisa Mme Dong en esquissant un sourire. « Il me promit même de me fabriquer un robot domestique, ce que j'avais pris à l'époque sur le ton de la plaisanterie ».

Les larmes vinrent à cette femme lorsque quelques mois plus tard Wu nº5 nettoya une assiette dans la cuisine quelques mois plus tard. « Sur le coup, j'étais fière de lui », reconnaît-elle.

« Il ne fume pas, ne boit pas et ne joue pas aux cartes ; sa seule marotte est de créer de ses propres mains des robots. Par le passé, je pestais contre le fait qu'il était un bourreau de travail, passant nuit et jour dans son réduit sans manger ou se reposer », estima Mme Dong. « Cependant je suis ravi d'assister à un tel succès pour lui ».

 

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