Loin des yeux, près du cœur |
Zhang Lifang En automne 1958, je faisais une balade avec mon ami belge M.Relecom à Wangfujing, un quartier commercial très animé du centre ville. Descendu de l'autobus, nous nous rendîmes tout d'abord à la Librairie des publications en langues étrangères de Beijing (Beijing Foreign Language Pulication), où sauta à nos yeux un exemplaire de Peking Review, notre revue hebdomadaire de langue anglaise qui avait été créée récemment. « Très bien, très bien ! » Relecom opina en son for intérieur. Raflant tous les numéros posés sur l'étalage à ses propres frais, il me dit : « La Chine aurait dû posséder un tel magasine pour représenter son image ». Une fois sorti de la librairie, il me demanda pardon car son envie de bouquiner l'emporte sur l'achat des autres choses. Quand nous prenons congé dans le hall de l'hôtel où il descend, il me demande d'un ton malicieux : « Tu sais que mon niveau d'anglais n'est pas très élevé en raison des méthodes d'auto-apprentissage. Quand est-ce que je pourrai avoir une autre surprise ? Je souhaite la naissance d'une version française ». Cinq ans s'écoulèrent à la suite du départ de M. Relecom. En 1963, Pékin Information, la version française qu'il attendait ardemment, vit le jour, et j'eus la chance d'intégrer l'équipe des traducteurs. Au printemps de l'année suivante, M.Relecom vient de nouveau à Beijing. Je lui rend visite à l'hôtel Novotel, quelques récents numéros dans la main. Etant entré dans sa chambre, je ne tardai pas à poser mon cadeau sur la table à thé, en lui déclarant avec enthousiasme : « Regarde la surprise à laquelle tu aspirais depuis longtemps ! ». Contrairement à mes souhaits, un silence immobile ternit l'instant « chaleureux » de nos retrouvailles avant qu'il ne pivote sur lui-même pour tirer de son bagage un classeur en cuir. « Voilà mon art de relier ne te décontenance-t-il pas plus que le présent que tu viens d'étrenner? », dit-il d'un air malin. En ouvrant la chemise, je m'aperçus qu'il avait rassemblé tous les numéros français de l'année 1963, allant de la version bimensuelle au début de la création jusqu'à la version hebdomadaire. « La surprise que j'offre à tes yeux n'est-elle pas plus grande que celle que tu m'as accordé ? », rit-il à gorge déployée. A mon étonnement, son engouement pour Pékin Information était loin d'être imaginable pour moi d'autant que son sourire fut brusquement remplacé par un air sérieux quand je lui avouai que j'avais déjà pris mes fonctions en tant que traducteur pour cette revue. « Félicitations ! Félicitations ! Faire connaître à l'étranger une Chine socialiste est un travail très glorieux », me confia-t-il. Suite à ce voyage il revint à Beijing maintes fois. Il était si souvent occupé que nous nous entretenions uniquement par téléphone . Mais son intérêt pour notre revue n'avait pas pour autant faibli. Il m'écrivait de temps à autre une longue lettre pour nous informer de ses opinions sur le contenu, le choix de sujets et la qualité de traduction, sans ménager guère ses propositions. A cela s'ajoutait un travail gratuit : nous envoyer gratuitement les coordonnées des abonnés éventuels et des coupures de journaux francophones au sujet de la Chine auxquelles ils nous avait abonné auprès d'une entreprise française afin de nous servir de référence. Notre dernière rencontre eût lieu en été 1985. Bien qu'il soit déjà octogénaire, il gardait un esprit alerte et préférait plaisanter en évoquant des choses sérieuses. « Ce qui me surprend, dit-il, c'est que la Chine m'apporte toujours des surprises ! ». Cette phrase resta à jamais gravée dans ma tête. Vers 1992, M.Relecom nous quitta pour d'autres cieux, mais le journal belge Solidaire auquel il nous avait abonné continua à nous parvenir régulièrement. A vrai dire, nous avons pas mal d'amis de l'étoffe de M.Relecom. Non seulement ils sont nos lecteurs fidèles, mais aussi ils n'oublient pas de présenter notre revue à leurs amis et collègues. En dépit d'une longue distance géographique, certains d'entre eux en viennent même à travailler dans notre groupe comme conseillers linguistiques et journalistes. Après leur départ, ils continuent à rédiger des textes, ou à prononcer des discours à la radio ou à la télévision pour diffuser les informations concernant le progrès et le développement de la Chine. Cedic et Josette qui ont travaillé chez nous au milieu des années 1960 restent encore en contact avec leurs collègues chinois, et leurs enfants deviennent également nos amis... « C'est aux jours de fêtes que les miens me manquent le plus terriblement », écrivit Wang Wei, grand poète chinois (699-759). Le 50e anniversaire de Beijing Review, nous rappelle naturellement nos vieux amis et nous amène à leur souhaiter sincèrement la bonne santé et la bonne chance.
(L'auteur est ancien réadcteur en chef adjoint de Beijing Information) |