Le « fabriqué en Chine » changera son image |
En raison de facteurs internes comme externes, l'industrie manufacturière chinoise manque toujours de dynamisme. Pire encore, l'avantage que procurait une main-d'œuvre bon marché est en train de s'amenuiser.
Cependant, la situation semble tout à fait différente à Huizhou, dans le Guangdong, où sont implantées de nombreuses petites et moyennes entreprises. Et ce véritable boom de la région est lié à une transformation industrielle. Prenons l'exemple des fabricants de téléviseurs, un des piliers économiques de la ville : le secteur a modifié sa gamme de produits destinés à l'export. Résultat : ce sont 550 000 écrans LCD qui ont été vendus à l'étrangers au cours du premier trimestre 2012, 2,6 fois plus qu'en 2011 ; et seulement 120 000 téléviseurs traditionnels CRT, soit une baisse de 70,43 %. Le groupe TCL (Huizhou) a mis en place une chaîne de production de TFT-LCD, créant une zone industrielle pour les LCD qui combine recherche, exploitation et fabrication. Autant dire que le résultat était au rendez-vous. « Ces dernières années, nous ressentons la nécessité de nous adapter toujours plus vite », a constaté Shen Jinhua, face à la difficulté des PME et de l'industrie manufacturière nationale. P.D.G. de Made-in-China.com, une des trois plus grandes plates-formes B2B du pays, Shen appelle à réaliser le triple saut du « fabriqué en Chine » à la « conception en Chine » et enfin, à la « marque chinoise ». Le marché est ici ! La conception industrielle est une discipline à la fois ancienne et moderne. Dans les années 30, les Etats-Unis ont vécu la grande récession économique. Pour survivre, les entreprises étaient obligées d'innover. C'est ainsi que naquit la première génération de concepteurs industriels professionnels, dont Raymond Loewy est la figure emblématique. Dès lors, la conception a trouvé sa place dans l'industrie. L'histoire semble s'être répétée en ce début de nouveau siècle. En 2008, un raz de marée financier s'est soulevé de l'autre côté de l'océan, forçant les entreprises manufacturières chinoises à participer au jeu de la conception. Pourquoi ce mariage entre conception et industrie ? Selon les calculs de l'IDSA (Société américaine des concepteurs industriels), un dollar d'investissement sur le design d'un produit apportera 1 500 dollars de bénéfices. Le design est donc considéré comme un paramètre crucial de la compétitivité. Dans la « Troisième révolution industrielle », l'écrivain américain Jeremy Rifkin présage que les produits, industriels comme agricoles, contiendront une valeur ajoutée de moins en moins intéressante et que dans le monde entier, l'attention et la production se déplaceront davantage vers le secteur tertiaire dont la recherche, l'exploitation et la conception. Depuis des années, la conception industrielle est en gestation dans les deltas du fleuve Yangtzé et du fleuve Zhujiang. Shenzhen et Shanghai ont reçu l'appellation de « villes de conception » par l'UNESCO. La province du Guangdong deviendra, d'ici 10 ans, une zone exemplaire de conception caractérisée par le haut niveau, le développement durable et l'influence globale. Dans l'arrondissement Shunde de la ville de Foshan, une « cité de conception industrielle » d'importance provinciale a été planifiée, attirant déjà des agences nationales venues de Beijing, de Shenzhen, de Chengdu, de Guangzhou et de Hongkong, et des agences italiennes, allemandes, japonaises ou encore sud-coréennes. Autre facteur de développement de la conception industrielle nationale : la tendance de déplacement vers l'Est du secteur. En Occident, manufacture et conception marchent ensemble. La conception industrielle internationale s'installe donc aussi en Chine afin de réduire les coûts. Un professionnel de Beijing a remarqué ce changement. Avant la crise, il était tellement difficile d'inviter un grand ponte étranger du secteur dans le pays. Les conditions étaient nombreuses à satisfaire. Désormais, ces pontes se poussent aux portillons, car le marché est ici ! Quel est le problème ? Malgré cette gestation prometteuse, la conception industrielle chinoise est encore faible, comparée à la maturité de l'industrie manufacturière traditionnelle. Certains patrons d'agences et leurs concepteurs se plaignent de la difficulté du marketing et l'attribuent à la négligence des fabricants. Ces derniers mettent en cause la sous-qualification des designers nationaux. Une chose est sûre, jusqu'à présent, les agences de design nationales manquent de moyen leur permettant de connaître les vrais besoins des clients et du marché. Mais un marketing réussi constitue justement la base d'une marque. Les entreprises les plus puissantes du monde sont sans exception très au point dans ce domaine. Le système de formation des designers nationaux est mis en cause. Actuellement, la discipline de la conception industrielle est établie principalement dans les écoles des beaux-arts traditionnelles. Les diplômés manquent de connaissances de l'ingénierie et de la mécanique. Après tout, un designer industriel est différent d'un designer artistique. Le premier a pour mission de réaliser des designs reproductibles. Il est considéré comme un traducteur qui transmet la demande du marché au personnel de recherche et puis retransmet les fruits de la recherche au fabricant. A cet aspect, il ressemble plutôt à un coordinateur qui joue un rôle important dans la mutation industrielle. Armée de meilleurs designers et concepteurs, l'industrie manufacturière chinoise progressera plus encore. Le « fabriqué en Chine » continuera à faire rêver, non plus pour ses prix attractifs, mais pour son design moderne.
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