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Publié le 29/11/2010
La Chine déclare la guerre à l'inflation

Jin Duoyou

Samedi matin, il n'est même pas 8h que les clients se pressent déjà devant les portes, encore fermées, du supermarché Merrymart de Hepingli. Lorsqu'elles s'ouvrent enfin, une demi-heure plus tard, c'est la ruée vers le rayon boucherie. En quelques minutes, toutes les pièces de mouton auront été vendues.

Aujourd'hui, le mouton est en promotion, à 34 yuans le kilo. « Il n'est pas de meilleure qualité, mais il est moins cher, raconte une cliente dans la queue. Pour un mouton de qualité, il faut compter au moins 46 yuans le kilo. C'est hors de prix ! »

Depuis le début de l'année, les prix ne cessent de grimper. Viande, coton, pétrole… Cela fait des mois que tout augmente.

Le 11 novembre, le Bureau d'Etat des Statistiques (BES) a indiqué que l'indice des prix à la consommation (IPC), principal indicateur de l'inflation, avait atteint les 4,4% en octobre sur un an, contre 3,6% le mois précédent, du jamais vu depuis 25 mois.

Le BES a tout de suite nié l'arrivée d'une période d'inflation générale en Chine. Mais les faits sont là : l'IPC s'approche dangereusement des 5%, seuil unanimement reconnu d'un basculement dans l'hyperinflation.

Une flambée incontrôlable des prix

Alors qu'il était négatif en octobre 2009, l'IPC a discrètement atteint les 2,8% en avril dernier. Le prix de denrées comme le soja, le caoutchouc ou les métaux non-ferreux, a subitement grimpé en flèche.

Au mois de juillet, la hausse a été spectaculaire. Les légumes notamment ont atteint des sommets. Le ministère du Commerce a indiqué que, dans 36 villes chinoises, 70% des produits agricoles comestibles avaient augmenté.

Entre juillet et septembre, l'IPC a continué de croître doucement. Mais au lendemain de la Fête nationale, le 1er octobre, les prix sont subitement devenus incontrôlables.

Les spécialistes sont unanimes : les prix resteront hauts, et pendant longtemps. D'après Zhang Xinfa, analyste macro-économique chez China Galaxy Securities, l'augmentation des prix a un effet d'inertie. L'indice pourrait donc culminer à 5% en 2011 pendant plusieurs mois, et devrait rester au-dessus des 4% pendant le reste de l'année.

« Selon les estimations les plus optimistes, l'IPC ne descendra plus sous la barre des 3% d'ici au minimum deux ans. En raison du taux d'intérêt négatif et d'une fluidité excessive, les capitaux spéculatifs sèment la pagaille », a indiqué Ma Guangyuan, économiste à l'Académie des Sciences sociales de Chine (ASSC). M. Ma annonce une flambée brutale des prix au premier semestre 2011, et avec l'effet tardif de la fluidité monétaire, une hyperinflation est attendue au deuxième semestre.

Si les marchés sont préoccupés par la question, le gouvernement s'en inquiète également.

« Lorsque la pression inflationniste est très forte et difficile à contrôler, nous devons redoubler d'efforts pour atteindre l'objectif annuel de l'IPC », a exprimé Sheng Laiyun, porte-parole du BES.

Le 9 novembre, Zhang Ping, président de la Commission nationale pour le développement et la réforme, a révélé que l'IPC de 2010 serait supérieur à 3 %. C'est la première fois que les départements gouvernementaux confient publiquement un probable échec en matière de contrôle de l'inflation.

Une fluidité excessive

Wang Tongsan, directeur de l'Institut d'économie technique et quantitative de l'ASSC, précise que les causes de ce cycle d'inflation sont diverses : fluidité excessive, augmentation du coût et expansion de la demande.

La fluidité excessive, engendrée par une trop importante émission de la monnaie chinoise, et l'afflux des capitaux chauds étrangers, ont été fortement critiqués par bon nombre d'experts.

Pour certains, la politique monétaire modérément souple appliquée en Chine depuis la crise financière mondiale a directement poussé les prix à la hausse.

Cette opinion n'est pas sans fondement. Selon la Banque populaire de Chine, le circuit monétaire M2 a atteint jusqu'à fin octobre les 69 980 milliards de yuans, alors que le PIB des trois premiers trimestres n'est que 26 866 milliards. Le M2 est composé du circuit M1 (argent liquide et dépôts), auquel on ajoute les dépôts en chèque.

D'après Li Daokui, membre du Conseil de politique monétaire de la Banque populaire de Chine et professeur à l'Université Qinghua, la Chine possède les plus grandes réserves monétaires du monde, avec un taux de croissance de 19% par rapport à l'année passée, soit le double du PIB. De telles réserves comportent forcément des risques, comme une bulle des actifs et une fluidité excessive.

Lu Feng, directeur de l'Institut d'études sur le développement national de l'Université de Beijing, souligne que l'inflation est à l'origine entraînée par l'émission excessive de monnaie. « Les mesures de relance portent rapidement leurs fruits, mais elles ont aussi des effets négatifs ».

Pendant que la Chine souffre de la fluidité excessive, des pays développés comme les Etats-Unis et le Japon, qui appliquent une politique monétaire souple, créent une pression inflationniste dans les économies naissantes, notamment la Chine.

Le 4 novembre, afin de stimuler l'économie, la Réserve fédérale américaine (Fed) a annoncé son second tour du plan d'assouplissement quantitatif, qui se traduit par l'achat de 600 milliards de dollars d'obligations du Trésor.

Cette mesure est compréhensible, car le taux de croissance du PIB des trois premiers trimestres a chuté de 3,7 à 1,7% avec un taux de chômage élevé, à 9,5%. Le plus puissant pays du monde espère verser davantage de liquidités dans l'économie substantielle en appliquant une politique monétaire d'assouplissement quantitatif.

Alors que les Américains se félicitent de cette mesure, les économies émergentes sont confrontées à une plus grande fluidité excessive, et une plus forte pression inflationniste.

D'après Sheng Laiyun, cette politique monétaire d'assouplissement quantitatif pousse à la flambée des prix des matières premières et des produits agricoles.

Ma Delun, gouverneur adjoint de la Banque centrale, estime que les politiques américaines devraient aussi tenir compte des autres pays. L'élaboration des politiques économiques ne devrait pas détériorer la stabilité de l'environnement économique mondial.

Des mesures face à l'inflation

Avec cette perspective moins optimiste, les départements concernés ont enfin tapé du poing sur la table.

Le 20 octobre, la Banque centrale a relevé ses taux d'emprunt et de dépôt de base de 0,25 %. Et le 10 novembre, elle a annoncé une augmentation de ses taux de réserve obligatoire de 0,5%. Pendant un mois, la Banque centrale a adopté une série de mesures anti-inflation.

« Le relèvement des taux de réserve obligatoire est conforme à l'attente du marché. A tel point que les prix continuent de grimper, mais l'environnement macroéconomique s'est stabilisé. La Banque centrale doit contenir les crédits et l'inflation en réduisant les liquidités », a précisé Li Huaiding, analyste chez Guosen Securities.

« Jusqu'à présent, la Banque centrale a adopté une palette de mesures comme le relèvement des taux de réserve obligatoire et des taux d'intérêt, et la réévaluation du yuan. Néanmoins, la pression inflationniste est difficile à contenir, du fait d'une fluidité trop excessive, entraînée par le plan d'assouplissement quantitatif et l'argent chaud ciblant le marché chinois. Ces mesures devront donc être répétées », a analysé Ye Tan, observatrice de l'économie.

En plus de l'ajustement des politiques macroéconomiques, la Commission nationale pour le développement et la réforme (CNDR) a également pris des mesures au niveau de l'approvisionnement et de la circulation.

Début novembre, la CNDR a tenu une conférence portant sur l'expansion des types et des quantités de réserves nationales, afin de faire face à la nouvelle vague d'augmentation massive des prix.

En temps normal, la CNDR peut contenir l'inflation de trois façons. Premièrement, elle renforce le contrôle des prix des produits essentiels pour lutter contre les actions spéculatives sur le marché. Deuxièmement, la CNDR vend en grande quantité des réserves nationales afin d'augmenter l'approvisionnement et abaisser les prix. Troisièmement, elle peut restreindre les prix de certains produits. Par ailleurs, les produits agricoles tels que le sucre, l'huile de cuisine, le porc et les céréales diverses seront inscrits sur la liste d'achat du gouvernement.

Zhou Wangjun, directeur adjoint des Prix de la CNDR, a déclaré : « Malgré la hausse des prix, les réserves nationales des produits essentiels sont abondantes. De plus, le gouvernement a accumulé beaucoup d'expérience en matière de régulation des prix. Nous avons donc les moyens de prévenir une grave inflation. »

Le ministère du Commerce se concentre également sur la problématique. Selon un de ses fonctionnaires, il s'est engagé à réduire le nombre d'intermédiaires, afin de créer un meilleur contact entre les agriculteurs et le marché. Par ailleurs, il coordonne la distribution des produits, car l'insuffisance de l'approvisionnement est parfois un problème régional.

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