Six perspectives sur l'économie mondiale en 2010 |
Zhen Bingxi (chercheur à l'Institut chinois des études internationales) En 2010, l'économie mondiale peut sortir de la récession et se tourner vers une reprise globale. Mais le processus sera assurément difficile car des incertitudes demeurent. 1. Un processus de récupération lent et incertain En 2009, pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'économie mondiale a connu une croissance négative. Selon le Fonds monétaire international (FMI), le taux de croissance du PIB mondial était pour cette année de -1,1%, une forte baisse par rapport aux 5,2% de 2007. Grâce à la coordination des politiques des grandes puissances économiques dont le G20, et à la série de plans de relance, les pays industriels, tels que les États-Unis, les pays de la zone Euro, le Japon ainsi que l'économie mondiale dans son ensemble, ont commencé à sortir de la récession à partir de la seconde moitié de 2009. En 2010, le FMI prévoit que le taux de croissance du PIB mondial augmentera de 3,1%. Cette reprise économique sera bien différente : elle sera la plus lente reprise depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Par exemple, l'année suivant une récession, les États-Unis connaissaient toujours une croissance considérable de leur PIB, représentant une courbe en «V». Le taux de croissance moyen du PIB était de 6,2% au cours des quatre premiers trimestres après la récession de 1973 à 1975. Ce chiffre s'établissait à 7,7% après la récession de 1981-1982. Mais après la récession de 2009, leur taux de croissance annuel du PIB est estimé à moins de 3%. Soulignons que cette récente reprise est tirée par les économies émergentes en Asie, tandis que depuis la Seconde Guerre mondiale, les recouvrements économiques ont toujours été dirigés par les États-Unis et les pays européens. Cette fois-ci, cependant, les économies asiatiques furent les premières à se redresser. Elles ont non seulement connu les plus forts taux de croissance, mais ont également été les principales contributrices à la croissance économique mondiale. Cependant, de grandes incertitudes subsistent encore quant à cette reprise mondiale. Actuellement, elle émane principalement des effets positifs des paquets de plans de relance économique menés par les gouvernements. Autrement dit, la motivation indépendante n'est pas suffisante. Cette année, l'économie mondiale fait face à de nombreux risques. Dans le passé, les pays développés ont en général connu une forte hausse de leur consommation après la crise. Cette fois-ci cependant, ces pays dirigés par les États-Unis ont rajusté leur mode de consommation en épargnant et en réduisant la consommation. Cela conduira inévitablement à une chute de la demande, voire une contraction mondiale. De plus, l'excédent des capacités de production reste grave dans les pays développés. Parallèlement, le crédit bancaire continue de se resserrer. Par conséquent, les investissements en capitaux fixes – fondements des recouvrements économiques – ont peu de chances de rebondir plus rapidement qu'auparavant. Pourtant, le traitement des énormes actifs toxiques et l'ajustement des bilans restent inachevés dans de grands établissements financiers américains et européens. Cela ne fait que rendre plus difficile la reprise. Les grandes économies sont par ailleurs confrontées à un sérieux dilemme sur le moment d'allègement des politiques de relance économique. Si elles arrêtent leurs programmes trop tôt, la reprise s'arrêtera prématurément, et trop tard, l'inflation et les bulles d'actifs grossiront. En conclusion, si ces pays échouent à transformer la relance économique tirée principalement par le gouvernement en une croissance autonome, ils ne réaliseront jamais une reprise mondiale économique réelle et durable. 2. Risques financiers Depuis le deuxième trimestre 2009, la situation financière internationale s'est stabilisée. Toutefois, un certain nombre de risques continueront de paralyser la vitalité du marché financier. Le marché de l'immobilier résidentiel aux Etats-Unis et en Europe a encore besoin de temps pour se stabiliser complètement. En 2009, plus de 140 banques américaines ont été déclarées en faillite, nombre cinq fois plus élevé qu'en 2008. A l'heure actuelle, il existe encore plus de 550 banques «en difficulté » aux États-Unis. D'autres risques se cachent dans l'explosion des bulles des marchés du logement et de la bourse dans de nombreuses régions du monde. Ces dangers potentiels comprennent également la crise de la dette à Dubaï ainsi que celles de l'Espagne, de la Grèce, du Portugal et de l'Autriche. Ils entraîneront probablement de nouvelles turbulences dans le système financier international. 3. Regain de protectionnisme commercial Le commerce mondial a été sérieusement ébranlé par la crise financière et la récession économique. Selon l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le volume du commerce mondial a chuté de 40% au premier trimestre de 2009. Au deuxième trimestre, bien que la situation ait commencé à s'améliorer, le taux de décroissance est demeuré à deux chiffres. L'OMC prévoit que le volume du commerce mondial diminuerait de 10% en 2009. Selon le FMI, le volume du commerce mondial devrait augmenter de 2,5% en 2010, beaucoup moins que les 7,3% de 2007. Hormis des facteurs tels que la lente reprise économique mondiale, la diminution de la consommation et l'augmentation de l'épargne, le protectionnisme commercial constitue également une énorme menace pour la reprise du commerce international. Le protectionnisme commercial s'est déjà propagé dans d'autres domaines tels que l'investissement, les finances ou la protection de l'environnement. Ceci est confirmé par le fait que les États-Unis et l'UE envisagent d'imposer une taxe carbone sur les importations. 4. Un rebond des flux de capitaux D'ici une à deux années, avec la reprise de l'économie mondiale et du commerce international, les flux internationaux de capitaux seront de plus en plus actifs. Selon les estimations des Nations Unies sur le commerce et le développement, les investissements directs étrangers du monde reviendront lentement à 1,4 trillion de dollars en 2010. Ils retrouveront leur vigueur en 2011, atteignant 1,8 trillion de dollars – un peu plus par rapport à ceux de 2008. Il est à noter que, grâce à leur redressement économique rapide et leur renforcement de la puissance nationale, les économies émergentes ne sont désormais plus seuls destinataires des investissements directs étrangers, mais deviendront dans l'avenir des gros investisseurs à l'échelle planétaire. 5. Une restructuration économique mondiale La crise financière a engendré plusieurs ajustements importants dans l'économie mondiale. La demande privée remplace la demande gouvernementale afin de devenir la première force motrice de la croissance économique. Après l'affaiblissement des plans de relance gouvernementaux, la reprise économique devrait être basée sur l'élargissement de la demande privée. Sinon, la reprise ne sera ni stable ni durable. En outre, dans les prochaines années, les États-Unis continueront d'adapter leur mode de croissance en maintenant un taux d'épargne à environ 4%, réduisant la consommation et augmentant les exportations. Les États-Unis auront besoin de temps avant de trouver un nouvel équilibre. Au cours de cette période, le taux de croissance de l'économie américaine ainsi que celui de l'économie mondiale seront inférieur à leurs niveaux d'avant la crise financière. Pendant ce temps, des frictions sur le commerce et le taux de change vont jaillir entre les États-Unis et les pays émergents d'Asie. Enfin, l'économie mondiale mute rapidement vers une économie sobre en carbone. Les nations développées, dirigées par les États-Unis, ont débloqué davantage de fonds dans la recherche et le développement des nouvelles énergies et la protection de l'environnement. Ils s'efforcent également de mettre en place des technologies à faible intensité carbonique dans les industries traditionnelles. La prospérité des industries vertes engendra éventuellement un nouveau cycle de restructurations industrielles dans le monde. En fait, tous les pays sont confrontés aux défis du changement climatique et des pénuries d'énergie et de ressources naturelles. La réduction des émissions de gaz à effet de serre augmentera certainement le coût du développement économique, en particulier pour les pays en voie de développement au cours de leur industrialisation. G20, les certitudes et les incertitudes Après leur premier sommet à Washington en 2008, le Groupe des 20 principales économies (G20) s'est successivement réuni à Londres en avril 2009 et à Pittsburgh en septembre 2009. Lors du sommet de Pittsburgh, les dirigeants ont indiqué que le G20 devrait remplacer le Groupe des Huit (G8), et devenir « la première plate-forme destinée à la coopération économique internationale ». Ce changement a été porteur de sens pour les grands pays en voie de développement. Cela signifie qu'ils sont traités en égaux avec les pays industrialisés pour discuter des questions économiques mondiales. Cependant, le G20 reste une simple plate-forme pour la coordination des politiques. Tous les accords conclus lors de ce sommet ne sont pas juridiquement contraignants et manquent de pouvoir d'exécution. Les États-Unis et l'UE ne veulent pas renoncer à leur hégémonie lorsqu'il s'agit des affaires économiques mondiales. Il est fort probable qu'ils se serrent les coudes pour préserver leurs avantages et intérêts traditionnels. En outre, beaucoup de petits et moyens pays se sont trouvés exclus du mécanisme de G20. Contrairement à l'ONU, le G20 ne peut pas refléter totalement les voix et les préoccupations de tous les pays. Et si le G20, dont le point focal est la coopération économique, était étendu aux questions politiques et sécuritaires ? De plus, des différends considérables subsistent entre les États-Unis et les puissances émergentes. Washington préconise l'expansion, tandis que les pays émergents prônent la limitation à la sphère économique et financière. Ces questions restent ouvertes. Beijing Information
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