L'Empire du revenu intermédiaire |
Kerry Brown
Le 18e Congrès national du Parti communiste chinois (PCC) s'est ouvert à Beijing le 8 novembre. La première journée a été consacrée au rapport de Hu Jintao, secrétaire général du Comité central du PCC, sur les progrès réalisés au cours des cinq dernières années et les directions à prendre au cours des cinq prochaines années. Les rapports de travail du Congrès sont des déclarations de consensus. Ils contiennent les principaux objectifs que le Parti s'est fixé, que tous les membres s'engagent à respecter, et qui définissent le cadre du rapport d'activité du gouvernement, qui sera présenté par le Premier ministre vers le début de l'année prochaine, lors de la tenue de l'Assemblée populaire nationale.
Lorsqu'il a présenté le rapport lors du 17e Congrès national du PCC en 2007, M. Hu a déclaré que l'objectif central du Parti demeurait la croissance économique. Il a également parlé de la nécessité d'une croissance durable, de l'équilibre dans la société, d'une participation à la prise de décision, et de la primauté de l'homme. Son rapport a également souligné la nécessité d'une plus grande démocratie au sein du Parti, pour renforcer l'État de droit, et continuer à bâtir les fondations d'une société harmonieuse dans la décennie à venir, à mesure que la Chine devient un pays à revenu intermédiaire. Croissance A l'époque où Hu Jintao a présenté le rapport d'activité de 2007, le monde a sombré dans la pire crise économique depuis plusieurs décennies. La banque Lehmann Brothers s'est effondrée, déclenchant une série d'événements encore en cours aujourd'hui. Un gigantesque défi pour le PCC et l'ensemble des gouvernements de la planète. En 2008 et 2009, les taux de croissance ont chuté, et la plupart des pays développés sont entrés en récession. Les exportations chinoises ont baissé, impactant la croissance et l'emploi. En dépit de cela, la Chine a réussi à maintenir 8 % de croissance en 2008, et plus de 10 % par an de 2009 à 2011. Ces objectifs avaient été fixés par le gouvernement dans le 11ème plan quinquennal. Le 12ème plan, qui a débuté en 2011, a fixé un objectif de croissance annuelle de l'ordre de 7 %. C'était là la reconnaissance qu'un objectif de croissance très élevé n'était plus durable à mesure que le revenu par habitant augmentait et que le modèle économique chinois évoluait. Depuis 2002, Hu Jintao est secrétaire général du Comité central du PCC et Wen Jiabao, Premier ministre, et durant cette période, la Chine a enregistré un certain nombre de performances économiques : premier détenteur mondial de réserves de change en 2006, dépassant le Japon, plus grand exportateur et deuxième importateur en 2008. Mais la réussite la plus extraordinaire demeure son accession au rang de deuxième puissance économique mondiale en 2010. Durant ces dix dernières années, en dépit de la crise de 2008, la Chine a quadruplé la taille de son économie, et, entre 2008 et 2011, son PIB a grossi de 40 %. Toujours dans la dernière décennie, la Chine est devenue le plus grand consommateur mondial d'énergie, hors pétrole, dont le premier consommateur demeure les États-Unis. Le pays est également devenu un important investisseur étranger, et le deuxième plus grand attracteur d'investissements étrangers. Challenges Mais certains chiffres sont alarmants. La pollution a continué de croître, avec l'impact de l'industrialisation rapide. Les tentatives du gouvernement aux niveaux national et local pour lutter contre ces fléaux que sont le changement climatique, la déforestation et la pénurie d'eau, dans le but de progresser vers une économie verte, ont toutes été inscrites dans le 12e plan quinquennal. Mais le challenge, qui consiste à équilibrer croissance et environnement, demeure saillant. Un des problèmes persistants de la dernière décennie, qui devra être abordé dans les années à venir, concerne les inégalités sociales. La Chine est devenue une économie de taille continentale, avec de grandes variations entre les zones côtières et les provinces intérieures de l'Ouest. Des provinces telles que le Zhejiang et le Fujian ont un PIB par habitant de l'ordre de 10 000 dollars, alors qu'au Xinjiang, au Gansu et au Tibet, il n'est que de la moitié, voire du tiers. Dans son discours à la Conférence de Copenhague sur le changement climatique en 2009, Wen Jiabao a reconnu que la Chine comptait encore près de 150 millions de personnes vivant dans la pauvreté, avec moins de 2 dollars par jour. La Banque mondiale, notamment, a noté des questions de pauvreté dans certaines régions rurales. Donc, d'un côté, il ya eu l'énorme création de richesses par rapport à la dernière décennie, Forbes indiquant que le pays comptait plus de 200 milliardaires en dollars, et de l'autre, l'inégale répartition de cette nouvelle prospérité. Depuis 2004, le Parti et le gouvernement ont mis en place des politiques allant dans ce sens. En terme de bien-être social, les taxes sur les agriculteurs ont été supprimées, et plus de fonds publics ont été alloués à l'éducation et la santé. L'explosion de l'urbanisation - depuis 2010, autant de Chinois vivent en ville qu'à la campagne - a créé des pressions sur le milieu de vie et sur la structure du bien-être. Avec le vieillissement de la population, le système de retraite demeure un véritable casse-tête. Tout comme le déséquilibre entre les riches et les pauvres. Tout en essayant de ne pas handicaper les entrepreneurs talentueux, le gouvernement a mis en place des politiques visant à mieux redistribuer les richesses, mais aussi à mieux les répartir géographiquement. Efficacité Les défis que le Parti a décrits dans le discours de Hu Jintao en 2007 continueront d'être relevés par la nouvelle direction, qui s'appuiera sur les progrès réalisés au cours des cinq dernières années. Le maintien à un niveau décent de la croissance sera essentiel, tout comme sa durabilité. Répondre aux attentes croissantes des gens vis-à-vis de l'administration, tout en préservant la stabilité sociale et permettre aux gens d'exprimer leurs revendications et leurs intérêts, très divergents, constitue un autre problème majeur. La Chine a introduit un « Acte de gouvernement ouvert » en 2008, similaire au principe de liberté d'information dans d'autres pays. Il a également mis en place d'importants processus de consultation sur les nouvelles lois, à travers le Congrès national du peuple. La réforme juridique est importante pour équilibrer les intérêts dans une société de plus en plus dynamique et diversifiée, et dans laquelle les différences doivent être améliorées par la voie judiciaire. La marche vers une société à revenu intermédiaire, qui va dominer la prochaine décennie, est une question difficile, reconnue par Hu dans le rapport de 2007 au 17e Congrès national du PCC. Le passage à un revenu par habitant d'environ 8 000 ou 9 000 dollars a été difficile dans d'autres pays, car ils ont dû réajuster et modifier leurs économies, ainsi que leur gouvernance. La Chine doit faire de même, mais à une échelle beaucoup plus grande. Afin d'y parvenir, l'une des questions clés ne sera pas tellement la croissance, même si elle reste bien sûr importante, mais l'efficacité dans le déploiement du capital, dans l'utilisation des ressources, dans l'approvisionnement en nourriture, et dans la manière avec laquelle la société est gouvernée et gérée. L'efficacité est donc un mot-clé pour les deux leaders du 17e Congrès, et pour ceux qui seront désignés au 18e Congrès. Des taux de croissance tels que la Chine a connus à partir de 1980 ne seront plus tenables. Un taux de 7 % a été fixé pour la période allant jusqu'en 2015, avec des niveaux probablement similaires ou inférieurs après. Dans une société riche, le maintien d'une croissance à deux chiffres est impossible. Pour la Chine, par conséquent, le véritable défi sera de continuer à enregistrer une croissance de manière durable et efficace. Il est donc nécessaire d'investir moins, d'innover davantage, d'aller vers plus d'innovation et de construire une meilleure interconnexion économique. Voici les défis que devront relever les nouveaux dirigeants désignés lors du 18e Congrès national du PCC en novembre. L'auteur est directeur du Centre d'études de la Chine de l'Université de Sydney
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